ClaireLise Lecerf au générique saison 5 les mystères de l'amour. Partager sur Facebook . Pétition; Signatures 6; Conversation; Statistiques; Pétition pour que CLAIRE-LISE LECERF (EMILIE) soit ajoutée au générique de la saison 5 des Mystères de l'amour avant le fin de la saison. tp Contacter l'auteur de la pétition. Annonce de l'administrateur de ce site We have closed this
Alire sur AlloCiné : Alors que la diffusion de la fin de la saison 29 des "Mystères de l'amour" approche à grand pas, le producteur Jean-Luc Azoulay est revenu sur la possibilité que
Aimer c'est ne pas penser d'abord à soi, chercher son propre intérêt, insister sur ses droits. L'amour n'est pas irritable, il ne s'aigrit pas contre les autres. Il n'est pas susceptible. Quand on aime, on ne médite pas le mal et on ne le soupçonne pas chez les autres. Si on subit des torts, on n'en garde pas rancune.
Sériede Jean-François Porry avec Patrick Puydebat, Laure Guibert, Sébastien Roch : toutes les infos essentielles, la critique Télérama, la bande annonce, les diffusions TV et les replay.
Lesmystères de l'amour Jeudi 01 septembre 2022. 1h55 - 2h45 Programmer un enregistrement Accéder au direct S22E10 - Emprises et surprises Série Passion 50 min France 2019 De : Guy Famechon Avec : Cathy Andrieu, Claire-Lise Lecerf et Magali Semetys. Si Marie a réussi à résoudre l'enquête des meurtres des Sud-Américains, le plus dur reste à venir. Cathy n'a
Dansles colonnes de Toute la télé, Jean-Luc Azoulay a répondu aux critiques de Cathy Andrieu. La comédienne regrettait qu'il y ait trop de sexe dans les Mystères de l'amour.
Lesmystères de l'amour S16E22 Les mystères de Noël - La tension monte pour Chloé, Aurélie, Hugo et Sylvain, qui sont perdus en pleine montagne. Tonio et Julio, les deux malfrats, mettent leur plan à exécution. Mélanie s'inquiète pour son amie lorsqu'elle apprend l'identité du mystérieux inconnu que Fanny a retrouvé. Alors que les douze coups de minuit ne vont pas tarder à sonner
p4e0RQK. Résumés La scène de confessionnal » abonde dans la presse parisienne de la seconde moitié du xixe siècle. Le discours de presse révèle l’ambivalence de la place du confessionnal au cœur de l’église dans la ville, à la fois lieu de pratiques spirituelles publiques et mondaines et espace du secret bien protégé de la confession. La scène de confessionnal intègre progressivement le fait divers, la chronique, jusqu’aux feuilletons et aux satires anticléricales, suscitant des regards démultipliés, entre métaphore du secret des consciences et symbole des dangers recelés par le secret. The “scene of confessional” abounded in the Parisian press in the second half of the 19th century. The press discourse reveals the ambivalence of the place of the confessional at the heart of the church in the city, both a place of public and worldly spiritual practices, and a space for the well-protected secret of confession. The confessional gradually integrates the news column, the chronicle, even “feuilletons” and anticlerical satire, arousing a multitude of glances, between metaphor of the secrecy of consciences and symbol of the dangers protected by de page Entrées d’index Haut de page Texte intégral 1 Gil Blas, 29 mars 1880. Où faut-il prendre nos mondaines pendant la semaine qui vient de s’écouler ? À l’église et au confessionnal. On s’est tant confessé, que les confessionnaux pourraient se confesser tout seuls si on les laissait faire, mais nous n’aurons pas l’indiscrétion de les 1Cette chronique de Gil Blas 1880 met en évidence l’ambivalence de la scène de confessionnal » telle qu’on la trouve dans des milliers d’articles de presse dans toute la seconde moitié du xixe siècle. D’un côté, on observe avec attention la foule dans les églises, en particulier les femmes à qui l’on prête des intentions mondaines. De l’autre, le confessionnal résiste aux regards puisqu’il est par définition un espace dans lequel on vient livrer le secret de ses péchés, qui sont ensuite protégés par le secret de la confession qui empêche toute indiscrétion ». Le confessionnal est donc tout à la fois un lieu visible et scruté par la presse, un lieu qui accueille et dissimule des secrets inviolables. 2 Michelle Perrot, Le secret de la correspondance au xixe siècle » dans Mireille Bossis dir., L’É ... 3 Manuel Charpy, Le théâtre des objets. Espaces privés, culture matérielle et identité bourgeoise. ... 4 Gérard Noiriel, L’Identification. Genèse d’un travail d’État, Paris, Belin, coll. Socio-histoires ... 5 Amélie Chabrier, Les genres du prétoire chronique judiciaire et littérature au xixe siècle », t ... 6 Arnaud-Dominique Houte, Citoyens policiers ? Pratiques et imaginaires civiques de la sécurité pub ... 2Tout au long du xixe siècle, on voit s’affirmer un double jeu de regards celui de la privatisation » qui consiste à abriter des regards une partie de la vie de l’individu, celui de l’identification et du perfectionnement des procédures d’enquête qui consiste au contraire à faire du regard sur l’individu un instrument de pouvoir. Dans ce double mouvement, le secret fait l’objet de nombreuses discussions. L’affirmation du droit à la vie privée se traduit par l’affirmation du droit au secret, ce qui engendre par exemple des débats sur les secrets professionnels médecins, avocats, la protection du secret de la correspondance2, ou encore un nouveau désir de se protéger des regards par l’usage des rideaux3. Le temps est à un cloisonnement de plus en plus ferme des espaces qui peuvent et doivent être vus le salon, les espaces de réception dans les intérieurs bourgeois et ceux qui doivent être dissimulés aux regards, dans l’espace domestique les cuisines ou dans l’espace public les lieux de prostitution. En parallèle, les techniques du regard s’affirment et visent à identifier toujours plus précisément la société, ses groupes et ses individus on peut citer la description littéraire, l’enquête sociale, les procédures d’identification administrative et judiciaire4, les faits divers et les procès5, la figure du citoyen-policier »6, ou encore la chronique mondaine toujours plus détaillée au siècle du journal. 7 Michel Foucault, Dits et écrits, Paris, Gallimard, 2001, t. II, p. 1604. 8 Je renvoie ici au livre tiré de ma thèse de doctorat Caroline Muller, Au plus près des âmes et de ... 3La question de la confession offre un laboratoire pour observer ces dynamiques puisque le confessionnal s’inscrit dans un espace public, mondain, qui attire les regards, tout en étant le lieu d’accueil d’une parole protégée par le secret absolu, l’un des secrets professionnels établis par la jurisprudence de 1810 à partir du Code Pénal. Le confessionnal suscite des descriptions et une fascination sans cesse renouvelée, alimentée en particulier par les polémistes anticléricaux qui le présentent comme un lieu de débauche, d’adultère spirituel et de manipulation politique, mais aussi par les critiques de la vie mondaine parisienne qui y voient l’incarnation de la superficialité des pratiques spirituelles du temps. Cet intérêt pour la confession – et l’espace du confessionnal – s’inscrit par ailleurs dans un contexte culturel de développement et d’affermissement des techniques de soi »7 le succès du journal personnel, que ce soit celui des écrivains ou celui des jeunes filles, d’un mouvement général réflexif dont la confession, fille de l’examen de conscience, bénéficie8. 9 J’arrête la seconde borne chronologique à la veille de la discussion de la loi de séparation des Ég ... 10 Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Eve Thérenty et Alain Vaillant dir., La Civilisation du ... 4Tout cela produit une multiplicité de discours, que ce soit du côté des archives privées journaux personnels, correspondances, de la littérature ou de la presse. Cette dernière permet d’observer les perceptions croisées du confessionnal dans la grande variété des journaux. Entre 1850 et 1904, on retrouve l’occurrence confessionnal » plus de 15 000 fois dans les journaux parisiens numérisés dans Retronews, un pic étant atteint en 1903. Cette attention se retrouve dans une large palette de journaux parisiens, du journal généraliste à celui de divertissement » Gil Blas, et bien sûr dans la presse anticléricale et dans des publications comme La Lanterne ou Le Charivari. Ce travail s’adosse au dépouillement systématique des passages mentionnant le confessionnal dans Le Figaro entre 1854 et 19049, ainsi qu’à des dépouillements plus ponctuels pour d’autres Gil Blas, L’Écho de Paris, La Lanterne, Le Charivari, La Croix. Le choix du premier dépouillement systématique visait à identifier, dans la masse documentaire, les régularités des discours sur le confessionnal dans un journal réputé pour son sérieux et sa modération10, et les croiser ensuite avec des journaux aux tons et aux orientations différentes. Cela m’a permis d’établir la présence récurrente de ce sujet dans des colonnes variées la chronique mondaine, le fait divers ou encore le feuilleton. 11 Jean Delumeau, L’Aveu et le pardon les difficultés de la confession, xiiie-xviiie siècle, Paris, ... 12 Voir par exemple la contribution de Philippe Boutry dans Groupe de la Bussière, Pratiques de la con ... 13 Clara Sadoun-Édouard, Des confessionnaux embaumant le patchouli. Catholicisme et mondanité dans L ... 14 Jacques-Olivier Boudon, Paris, capitale religieuse sous la Second Empire, Paris, Cerf, 2001. 15 Jean-Michel Léniaud, La visibilité de l’église dans l’espace parisien au xixe siècle “tours de ... 16 Frédéric Gugelot, Cécile Vanderpelen-Diagre et Jean-Philippe Warren, Introduction. Entre Athènes ... 5Dans la perspective de faire l’histoire des regards sur le confessionnal dans la ville, j’ai adopté une approche privilégiant l’histoire matérielle et concrète de la confession et du confessionnal, observant comment les corps sont présentés, que ce soit celui du confesseur ou ceux des pénitents et pénitentes. Historiens et historiennes ont longtemps estimé que l’histoire de la confession était impossible à réaliser, faute de sources, puisque l’échange est oral – et ne laisse donc pas de traces – et verrouillé par le secret. Il est néanmoins possible de l’écrire en mobilisant les sources normatives11 mais qui, par définition, ne donnent pas à voir la réalité des pratiques ; on peut aussi observer ce qui s’en dit dans les archives du for privé, journaux personnels de jeunes filles ou de prêtres, ou encore dans les correspondances12. Les biographies de prêtres, en particulier, regorgent de notations sur les fatigues liées aux journées entières passées à confesser. Du côté de la dimension publique des pratiques religieuses, Jacques-Olivier Boudon et Clara Sadoun ont bien montré la façon dont Paris devient l’épicentre, au cœur du Second Empire, d’un renouveau catholique qui se superpose à des usages mondains13. La ville s’impose comme le centre névralgique du catholicisme malgré un taux de pratique plus bas qu’ailleurs14 c’est tout à la fois le lieu de formation des élites ecclésiastiques, du développement de stratégies de reconquête » des âmes dans les paroisses de banlieue, mais aussi celui des églises aux services et décors brillants nourris par le renouvellement de l’art sacré, dans lesquelles se déploient des prédications largement diffusées ensuite en province, à l’exemple des conférences de Notre-Dame. Ce dynamisme est visible dans le paysage urbain15 qui s’infléchit sous l’effet de la multiplication des églises et basiliques dont la monumentalité frappe les observateurs. La vie mondaine parisienne est étroitement liée aux pratiques religieuses, en particulier à un moment de retour des élites bourgeoises dans les églises16 à côté des salons, des théâtres, des courses, des parcs publics que fréquentent les esprits libéraux, on voit apparaître, pour la satisfaction des catholiques qui habitent les capitales, des conférences d’éloquence sacrée, des manifestations de charité mondaine, des revues plaisantes, voire des églises chics » ». Le confessionnal devient une pièce d’un discours médiatique qui croise l’espace du dedans et du dehors, du public et du secret, de l’église et de la vie mondaine. Scènes de la vie parisienne au siècle de la confession » L’espace du confessionnal 6Comme l’écrit Alain Corbin, 17 Alain Corbin, Coulisses », dans Philippe Ariès et Georges Duby dir., Histoire de la vie privée, ... […] le confessionnal se généralise dès le début du siècle, puis va en se compliquant. Il peut n’être, à l’image de celui qu’utilise le curé d’Ars pour entendre les hommes, qu’un rustique fauteuil encadré de deux planches ; mais ce peut être une de ces somptueuses armoires de chêne ciré dont l’intimité ombreuse suscitera les foudres de 18 Mangeant, Adolphe dir, Journal de menuiserie spécialement destiné aux architectes, aux menuisie ... 7En un temps de reconstruction des églises dans les années qui suivent la Révolution française, l’apparence du confessionnal est discutée, en particulier la question de savoir s’il doit être décoratif, majestueux ou, à l’inverse, simple et sobre. L’architecte Viollet-le-Duc donne en personne des indications dans le Journal de menuiserie de 187218. Prenant l’exemple de l’église paroissiale de Saint-Denis, il souligne les éléments à prendre en compte dans l’aménagement d’un confessionnal, croquis à l’appui. Le confessionnal doit toujours être adossé à un mur, si bien qu’il faut réfléchir à son emplacement qui doit permettre la déambulation ; en même temps, il s’agit de protéger le secret en évitant qu’il soit trop proche des portes ou des lieux de passage. Il est dès lors recommandé de le placer dans les chapelles latérales quand elles existent. Le confessionnal est un meuble dont on doit comprendre la configuration parce qu’il contraint les corps à adopter une posture tout à fait particulière les pénitentes s’agenouillent et attendent d’être invitées par le prêtre à commencer leur confession. Le meuble est organisé de façon à ce qu’il ne puisse jamais y avoir de contact visuel entre l’un et l’autre. La partie du milieu est destinée aux confesseurs tandis que celles de droite et de gauche sont destinées aux fidèles. Dans les parois latérales de l’espace du confesseur sont aménagées des semi-ouvertures, les guichets », des plaques coulissantes qui permettent d’entamer ou de couper la communication. Cette spécificité du meuble du confessionnal retient l’attention des romans anticléricaux qui font de ce détail un levier narratif c’est le seul espace par lequel les corps peuvent entrer en contact, bien qu’il existe la plupart du temps une grille en bois ou en métal. Fig. 1 Haut confessionnal de Saint-Germain-des-Prés, 1906, Eugène Atget, 1906 Source Gallica BnF, domaine public. Fig. 2 Bas confessionnal de Saint-Sulpice, Eugène Atget, vers 1906 Source Gallica BnF, domaine public 8En théorie, chaque desservant d’une église doit disposer de son propre confessionnal, voire de deux, puisqu’il convient de séparer les hommes et les femmes. Dans l’idéal, on doit même prévoir un confessionnal supplémentaire pour les confesseurs invités à l’occasion des retraites ou des fêtes. Si l’on consulte les inventaires de 1905, il est clair que la réalité du terrain est bien plus nuancée, en particulier dans les églises les plus modestes. Les sources de presse montrent à quel point l’espace, le lieu, le meuble du confessionnal comptent, que ce soit dans la description de scènes dans les églises ou dans la littérature satirique qui joue volontiers de la disposition particulière des corps au confessionnal dans ses récits. Des scènes de confessionnaux assiégés » de la formule au topos journalistique 19 Charles Simonin, Le Révérend Père Stanislas Lorrain, rédemptoriste, 1835-1904 notice biographiq ... 20 Le Figaro, 20 octobre 1898, p. 2/6. 21 Pierre-Antoine Baudoin, Un confessionnal, 1765 ; Alexei Korzukhin, Avant la confession, 1876. 22 Lettre citée dans la biographie établie par Lucienne Portier, Un précurseur, l’abbé Huvelin, Paris, ... 9La presse, les bulletins paroissiaux et les mémoires de prêtres rapportent tous ces scènes d’attente devant les confessionnaux envahis » ou assiégés » selon les deux termes les plus fréquents. Les fidèles n’hésitent pas à faire de longs trajets pour confier leurs péchés à leur confesseur d’élection ; la chapelle de Ménilmontant voit ainsi défiler une foule de pénitents, venus du quartier et de tous les coins de Paris »19 ; à la Madeleine, le confessionnal de l’abbé de Bretagne était littéralement et tous les jours assiégés par les fidèles »20. Dans les files d’attente – qui ont retenu l’attention des peintres et des artistes21 – les fidèles peuvent passer plusieurs heures, voire dormir sur place, comme à Lourdes. On patiente en lisant, en priant, en brodant, en discutant avec son ou sa voisine, voire en se querellant, ce qui oblige quelquefois le confesseur à sortir pour faire taire la foule. L’abbé Huvelin, confesseur de l’église Saint- Augustin, raconte dans ses lettres à quel point il est difficile de calmer le brouhaha et les disputes qui entourent son confessionnal Hier on s’est disputé, chamaillé, une personne a été mordue au sang dans mon confessionnal. »22 La patience est nécessaire au moment de Noël ou encore de Pâques, temps de l’année liturgique au cours de laquelle tout catholique doit faire ses Pâques », se confesser et communier. Les bulletins paroissiaux se font l’écho de mécontentements 23 Bulletin paroissial de Saint-Sulpice, 25 janvier 1919. Cette année, comme les précédentes, beaucoup de confesseurs ont eu à déplorer d’être obligé de confesser à la hâte des personnes qui avaient grand besoin de conseils et qui ne peuvent les recevoir utilement, parce qu’elles ont l’habitude de se confesser aux dernières heures de la veille de Noël – ou de la Toussaint ou de Pâques – au milieu d’un flot de personnes qui assiègent alors les confessionnaux. Ces personnes s’en vont répétant Les confessions ne me servent à rien je n’en retire aucun fruit. Au reste, on ne peut s’expliquer avec les confesseurs qui sont toujours pressés et n’ont jamais le temps de vous parler. »23 24 Le Figaro, 25 décembre 1875. 10Cette thématique des confessionnaux assiégés » pendant les fêtes devient un topos sous la plume des journalistes chargés de décrire la situation sur le terrain pour leurs journaux. Le Figaro publie ainsi, le 25 décembre 1875, un tour d’horizon » des églises parisiennes et leurs confessionnaux. À la Madeleine, dès six heures, les confessionnaux étaient assiégés » ; grande affluence ici encore autour des confessionnaux » à Saint-Eustache Nous avons eu la curiosité de compter le nombre des fidèles qui s’approchaient du tribunal de la pénitence. À huit heures, il était de quatre cent cinquante. À neuf heures, ils étaient certainement de plus six cents ! » Enfin, à Notre-Dame des Victoires, dès six heures du soir, le clergé ne pouvait suffire aux confessions. À huit heures, la grande nef était comble »24. 25 Bulletin paroissial de Bourbon-Lancy, 18 mars 1898. 11Cette situation oblige le clergé à intervenir, en indiquant des horaires échelonnés, en séparant les hommes et les femmes. Cette situation se retrouve dans plusieurs paroisses de province. Le bulletin de Bourbon-Lancy, en Bourgogne, précise que les jeunes filles sont instamment priées de faire leurs Pâques le Dimanche de la Passion […] les jeunes gens et les hommes le Jeudi Saint ou le Jour de Pâques […] L’ordre et la piété ne peuvent qu’y gagner beaucoup »25. Le confessionnal, un lieu de repli dans la ville ? 26 Anne-Claude Ambroise-Rendu, Crimes et délits une histoire de la violence de la Belle Époque à nos ... 27 Le Figaro, nouvelles diverses », 19 août 1883, p. 2/4. 28 Voir par exemple Le Figaro, 9 février 1905, p. 4/6. 29 Le Figaro, 4 mai 1908, p. 1/6. 12D’autres visites sont moins attendues. Les rubriques de faits divers nous renseignent sur un autre usage du confessionnal dans la ville c’est un lieu de refuge pour tous ceux et celles qui sont sans aveu, sans domicile ou qui fuient les autorités. On y dépose les enfants qu’on souhaite abandonner, peut-être la conséquence de la fin progressive, à partir des années 1830, du tour » qui permettait de préserver l’anonymat des femmes concernées. Le Figaro rapporte qu’on a trouvé un enfant dans le confessionnal de Notre-Dame de Clignancourt 20 mai 1887 et, le 25 décembre 1904, qu’on a envoyé aux Enfants assistés une fille âgée d’une dizaine de jours qui avait été trouvée dans un confessionnal de l’église Saint-Sulpice ». À la fin du siècle, les confessionnaux sont de plus en plus surveillés ; dans une société inquiète des méfaits du crime en bande organisée26, les églises sont perçues comme des cibles, à la fois pour des cambriolages mais aussi comme lieu de refuge de malfaiteurs. L’église de la paroisse de Saint-Germain-des-Prés fait l’objet d’une tentative de vol en 1883, ce qui change les usages de surveillance Chaque soir, les suisses, le bedeau et le concierge des églises devront faire une ronde après la fermeture, afin de s’assurer que personne n’y est resté caché sous les chaises ou dans quelque confessionnal »27. Les faits divers relatent en effet de nombreuses affaires impliquant des malfaiteurs dissimulés dans les confessionnaux28. Les cambrioleurs de la cathédrale de Chartres utilisent même le meuble pour entreposer les outils de leur forfait29. Loin donc de se résumer à une pratique spirituelle, l’espace du confessionnal sert donc des usages bien plus prosaïques, qu’il s’agisse de se dissimuler aux regards ou encore de se rehausser pour voir le prédicateur des conférences sacrées les plus bondées, quitte à … escalader le meuble. C’est cette ambivalence d’un lieu du secret absolu en plein cœur de pratiques collectives qui attire l’attention des chroniqueurs et contribue à forger un imaginaire médiatique de la confession. La confession au cœur de la religion-spectacle » entre chronique mondaine et fiction 30 Philippe Lejeune, Le journal quotidien à Émilie Serpin », Clio. Femmes, histoire et sociétés, n° ... 13La messe, les conférences de Carême, la prédication des grands noms attirent les foules qui n’hésitent pas à fréquenter d’autres paroisses que leur paroisse d’origine pour assister aux offices les plus brillants. Dans son journal personnel, Émilie Serpin, jeune institutrice au service d’une famille d’aristocrates, souligne à quel point l’influence de la qualité de la musique sur ses choix d’église30. Ces critères de choix – qualité de la musique, talent de l’orateur, beauté de l’église – infléchissent la géographie de la fréquentation des confessionnaux. 14Il existe un lien étroit entre la prédication et la confession, la première conduisant à la seconde. 31 Le Figaro, 3 avril 1887, p. 1/4. 32 Le Figaro, 28 décembre 1866, p. 1/4. 15Évoquant le père Lacordaire, prédicateur de Notre-Dame très apprécié entre 1835 et 1836, le Figaro se demande Qu’y a-t-il en réalité dans ces étincelantes conférences qui ont passionné notre pays et fait entrer au confessionnal bien des hommes qui n’avaient jamais fléchi le genou ? »31 Les prédicateurs les plus en vue déplacent si bien les foules que les églises sont bondées. En 1866, c’est le père Hyacinthe Charles Loyson qui fait depuis trois semaines un beau tapage en parlant amour, fidélité, mariage, union des sexes, etc., à ses auditeurs […] on trouverait beaucoup plus de places à la représentation du Diable boiteux – où l’on n’en trouve pas – qu’aux représentations de Notre-Dame »32. Certains auteurs n’hésitent pas à décrire explicitement les conférences sacrées comme des représentations théâtrales, sur le mode de la critique culturelle. Dans la rubrique Les Grands guignols », Henry Bauer s’amuse de la tarification des conférences dans une colonne plus large consacrée aux spectacles à Paris 33 L’Écho de Paris, 31 mars 1890, p. 1/4. Entre toutes, l’église de Notre-Dame fait le maximum. Mon confrère Grison nous a donné hier le chiffre des recettes, la nomenclature des places, les prix du bureau de location. Pour une chaise de nef, c’est trois sous, prix modeste ; sous les bas-côtés de gauche, derrière la chaire, c’est six sols ; sous les bas-côtés de droite, le public se presse, plus élégant, et les places montent à un franc ; de même dans les 16Dans ce contexte, les confessionnaux jouent le rôle de simples strapontins » ou sont volontiers assimilés aux loges qu’on retient à l’Opéra. La même scène est racontée dans différentes églises parisiennes pendant toute la seconde moitié du siècle. À la Madeleine, le 3 mars 1892, c’est le père Didon qui fait église comble 34 Le Figaro, 14 mars 1892. Les tribunes étaient bondées ; il y avait des grappes d’hommes le long du maître-autel ; d’autres étaient assis sur les autels des bas-côtés, nichés dans les confessionnaux et échelonnés sur les marches de la chaire. Et ç’a été des querelles et des bousculades jusqu’à l’apparition du célèbre dominicain. L’église était comble dès avant midi. À quelle heure faudra-t-il arriver dimanche ?34 35 Caroline Muller, Ce que confessent les journaux intimes un nouveau regard sur la confession Fr ... 36 Gil Blas, 13 avril 1889. 37 Gloria Origgi dir., Communications n° 93, La Réputation, Paris, Le Seuil, 2013, p. 5-10. 17À Notre-Dame comme à la Madeleine, la foule s’installe où elle peut, sur l’harmonium s’il le faut. Ces prédications spectacles » façonnent les réputations des ecclésiastiques et leur attractivité au confessionnal les journaux – comme les archives privées d’ailleurs35 – établissent un lien direct entre le succès d’une série de conférences et le succès du confessionnal d’un prédicateur. Les conférences de l’abbé Frémont – l’aigle du Roule »36 – à l’église de Saint-Philippe du Roule, le mettent au contact de nouveaux et nouvelles pénitentes ; les comptes rendus de presse accentuent l’effet de bouche-à -oreille autour de ces prédicateurs. Ces effets de réputation37 auxquels la presse participe pleinement, donnent au choix du confesseur une dimension de distinction, au sens où le confessionnal devient un lieu ostentatoire de mise en scène de soi et de ses capitaux. La distinction choisir un confesseur, choisir un confessionnal 18Pénitents et pénitentes contournent volontiers la règle de la confession au curé de paroisse on s’adresse au prédicateur en vogue, au prêtre qui a été recommandé ou dont on a lu les exploits dans les journaux. Dans sa chronique mondaine du 30 mars 1888, Jacques Swell dépeint cette logique de distinction d’une plume acide. Observant les jours qui précèdent Pâques, il écrit 38 Le Figaro, 30 mars 1888. Voici le Paris-mondain pour vingt-quatre heures occupé à faire son salut en proscrivant la viande de son assiette et en écoutant dans les églises le Stabat exécuté à grand orchestre. Avant qu’il ne retourne aux côtelettes et à la damnation, à l’Opéra et ailleurs, suivons-le dans la pratique des dévotions […].38 19Il décrit la mode des retraites » des femmes appartenant aux classes aisées, qui ne se mêlent pas aux pratiques de dévotion du commun 39 Ibid. Même devant Dieu, on reste entre gens de son milieu. Foin de l’église paroissiale ! C’est bon pour le suffrage universel ! Quand on est de la crème, on doit avoir ses sanctuaires particuliers, ses confessionnaux d’ 40 Philippe Martin, Histoire de la messe le théâtre divin, Paris, CNRS Éditions, 2013. 20La confession dans un confessionnal précis est une pièce d’un ensemble plus large de pratiques spirituelles visibles, soigneusement choisies les conférences, les retraites, la messe40. Un autre de ces rituels est moins connu l’installation » du curé dans les églises les plus prestigieuses, qui donne lieu à un cérémonial auquel assiste la bonne société parisienne 41 Le Figaro, 10 juin 1894, p. 2/4. L’installation de M. l’abbé Hertzog, le nouveau curé de la Madeleine, a eu lieu hier, à deux heures, comme nous l’avions annoncé, sous la présidence de M. l’abbé Caron, vicaire-général, archidiacre de Notre-Dame, représentant Son Em. le cardinal Richard. Les portes ont été ouvertes à midi et demi, et bientôt l’église – où l’on ne pénétrait, bien entendu, que sur invitation – était absolument comble […] M. l’abbé Hertzog a fait son entrée à deux heures très précises. C’est un prêtre dans la force de l’âge, de taille moyenne. Les cheveux grisonnants laissent le front très découvert. Le teint est mat, les traits d’une extrême finesse, l’ensemble de la physionomie très 42 L’installation du nouveau curé de la Madeleine », Le Figaro, 25 mars 1902, p. 2/6. Que dois-je co ... 21Là aussi, le registre choisi par le journaliste est très proche de celui qui serait adopté pour décrire une représentation de théâtre ou d’opéra les restrictions d’accès, la nature du public, l’entrée » du personnage principal, jusqu’à sa description physique. Le cérémonial, très codifié, est composé d’une série de discours et d’éloges, puis de la prise de possession des lieux autel, confessionnal, fonts baptismaux, cloches, chaire, enfin d’un temps musical dont on loue la qualité. Le récit d’installation du 25 mars 1902 ressemble de près aux récits de mariage qu’on retrouve dans la chronique mondaine des journaux les personnalités présentes et leurs titres font l’objet d’une longue énumération42. Beaux prêtres » et jolies dévotes » au confessionnal 43 Judith Lyon-Caen, La Lecture et la vie les usages du roman au temps de Balzac, Paris, Tallandier, ... 22Ces pratiques de distinction nourrissent l’imaginaire et les perceptions d’une religion mondaine qui met en scène des prêtres mondains », de beaux prêtres » et de jolies dévotes » ; presse, romans et feuilletons mobilisent volontiers ces figures tout en contribuant à en faire des stéréotypes qui façonnent ensuite le regard que lecteurs et lectrices posent sur la réalité43. Comme on l’a vu plus haut, le corps des prêtres retient l’attention, et pas seulement dans les feuilles anticléricales. Un récit de prédication de L’Écho de Paris montre ce jeu de regards, tout du moins la représentation des observateurs 44 L’Écho de Paris, 31 mars 1890, p. 1 /4. Les mondaines s’empressent à Saint-Augustin, à Saint-Philippe du Roule, à Notre-Dame, autour de la chaire du beau prêtre qui vaticine si bien, tonne si galamment sur la dépravation des mœurs et argumente avec tant d’esprit et de tact sur les délicatesses du sentiment, les périls de l’amour, sur ce qui est permis et ne l’est point, sur les attouchements préparatoires, licites quand ils ont l’œuvre du mariage pour 23On peut tout d’abord prêter attention à la physionomie du prêtre et à la construction du stéréotype du beau prêtre » qui attirerait les foules féminines en raison de sa jeunesse et de sa beauté. Les descriptions du beau prêtre » abondent dans toute la littérature du xixe siècle ; on peut évoquer par exemple la description que Zola donne de l’abbé Donadéi, prêtre fictif des Mystères de Marseille 1867 45 Émile Zola, Les Mystères de Marseille, dans Œuvres complètes, Arvensa Éditions numérique, p. 6374 Il entra à Saint-Victor, et, comme le disait naïvement l’abbé Chastanier, il sut se faire aimer de tous en quelques mois. Sa caressante nature italienne, son visage doux et rose en firent un petit Jésus pour les dévotes sucrées de la paroisse. Il triomphait surtout lorsqu’il était en chaire son léger accent donnait un charme étrange à ses sermons ; et, quand il ouvrait ses bras, il savait imprimer à ses mains des tremblements d’émotion qui mettaient en larmes l’ 46 Le Figaro, 1er novembre 1869, p. 1/4. 47 Le xixe siècle, 6 avril 1890, p. 3/4. 48 La Comédie, 1er janvier 1877, p. 3/8. 24Dans Les Mystères de Marseille, c’est grâce à ses succès en chaire que l’abbé Donadéi développe son influence au confessionnal, dont il profite pour tenter de séduire Claire Martelly. Ce beau prêtre » charismatique parle d’amour aux femmes, même quand, à l’exemple du prédicateur de Saint-Philippe du Roule, il s’agit de rappeler à tous la morale et le dogme de l’Église. Les observateurs s’amusent du décalage entre la position du prédicateur célibataire et abstinent et l’enseignement qu’il délivre sur la sexualité conjugale les attouchements licites ». Face à ce beau prêtre », c’est le stéréotype de la jolie dévote » qui se construit. La jolie dévote » est une femme parfumée qui minaude, badine, lance des œillades à l’église, soigne sa toilette lorsqu’elle se rend à la messe ; c’est une femme dont les pratiques spirituelles sont décrites sur le mode de la frivolité et bien souvent de la légèreté de mœurs, pour laquelle l’église est présentée comme un espace mondain. Là aussi, cette silhouette de la jolie dévote » n’appartient pas au seul registre anticlérical. Le 1er novembre 1869, Le Figaro annonce que le père Monsabré sera chargé des conférences de l’Avent de Notre-Dame La foule sera grande et l’on dit même que plusieurs jolies dévotes, dans leur désir d’avoir les meilleures places, ont déjà commis force péchés de jalousie »46. Les rubriques mondaines donnent une foule de détails sur l’allure de ces femmes, des jolies dévotes revêtues de ravissantes toilettes printanières » du Vendredi Saint47 à la robe à demi-décolletée, en drap de soie bleu de France, avec des dentelles d’argent, manches s’arrêtant aux coudes » de la jolie dévote » aperçue au sermon du père 25Cette figure de la jolie dévote, on le voit ici, est très liée au registre du péché – et à l’imaginaire du confessionnal ces femmes viendraient en confession pour se faire pardonner leurs galantes escapades ». C’est la confession des belles dévotes » accueillie par des confesseurs volontiers présentés comme complaisants, ou en tout cas adaptés aux attentes de leur clientèle ». Revenant sur la carrière du père du Lac pour Le Figaro, Julien de Narfon écrit 49 Le Figaro, 30 août 1909. Le confessionnal du P. du Lac était certainement le plus couru des confessionnaux […] Néanmoins, le confessionnal du P. du Lac aurait été moins assiégé par sa clientèle mondaine, si ce religieux n’avait eu, comme certains Jésuites du temps de Pascal, la réputation de mettre des coussins sous les coudes des pauvres pécheurs […].49 50 On cause de Mme Z.., une très jolie femme, excessivement pieuse, qui unit l’élégance à la dévotio ... 26Quelques lignes plus loin, il est précisé que cette clientèle » est féminine Je me souviens de l’avoir entendu, à Saint-Thomas d’Aquin, expliquer le plus naturellement du monde, et avec toute la compétence d’un tailleur pour dames la façon d’une robe de soirée. L’élite féminine du Faubourg Saint-Germain était là et buvait ses paroles ». Ces jolies dévotes » attirent un public qui est soupçonné de ne venir à l’église que pour admirer les confessionnal-beauty » selon une formule tirée d’une anecdote qu’on retrouve dans près de huit journaux différents50. Récits mondains, échos fictionnels et diffusion dans l’imaginaire médiatique 51 En particulier chez Boileau, Du Bellay ou encore La Bruyère. 27Si ces différents motifs – le beau prêtre, la jolie dévote, l’ecclésiastique qui parvient » grâce aux femmes – trouvent leurs racines dans la satire du xviie siècle51, la reviviscence du catholicisme et son lien étroit aux pratiques mondaines parisiennes les réactualisent et, différence notable, s’inscrivent dans un nouveau contexte médiatique qui leur offre une caisse de résonance. Ces regards donnent lieu à des discours de natures très variées, de la rubrique mondaine au fait divers, en passant par le feuilleton ou l’histoire amusante, si bien qu’il est parfois difficile de distinguer ce qui relève de la réalité ou de la fiction. Les auteurs eux-mêmes entretiennent cette porosité. Dans la préface des Mystères de Marseille, Zola écrit 52 Émile Zola, préface de la première édition, Les Mystères de Marseille, Arnaud, Marseille, 1867, n. ... Les Mystères de Marseille sont un roman historique contemporain. J’ai pris dans la vie réelle tous les faits qu’ils contiennent ; j’ai choisi çà et là les documents nécessaires, j’ai rassemblé en une seule histoire vingt histoires de forme et de nature différentes, j’ai donné à un personnage les traits de plusieurs individus qu’il m’a été permis de connaître et d’étudier. C’est ainsi que j’ai pu écrire un ouvrage où tout est vrai, où tout a été observé sur 28Les scènes de confession et de confessionnal abondent aussi dans le roman-feuilleton publié dans la presse et qui se développe à partir des années 1830, avant de se diffuser auprès des classes populaires grâce à la naissance du journal à un sou » à partir de 1863. Comme Zola, certains auteurs n’hésitent pas à réfuter le statut fictionnel de leurs textes ; le feuilleton L’Enfant de chœur débute par un avertissement au lecteur et à la lectrice 53 Le Figaro, 14 août 1892. Le récit qu’on va lire m’a été fait à une époque récente. Où ? Quand ? Par qui ? Cela importe peu. Tout ce que je veux dire, c’est que le narrateur est un illustre officier et qu’ayant écrit son récit aussitôt après l’avoir entendu, je peux le certifier aussi exact en tous ses détails que si je l’avais, écrit sous sa 54 Anaïs Goudmand, Le roman-feuilleton ou l’écriture mercenaire l’exemple des Mystères de Paris », ... 55 Lise Queffélec-Dumasy, Le roman-feuilleton français au xixe siècle, Paris, PUF, collection Que sa ... 56 Jacqueline Lalouette, La libre-pensée en France, 1848-1940, Paris, Albin Michel, 2001. 29Confession et confessionnaux offrent des atouts intéressants pour le feuilletoniste dont les contraintes d’écriture sont particulières54 l’objectif de rentabilité immédiat pousse les auteurs à multiplier les “effets” pour harponner efficacement le lecteur et le pousser ainsi à poursuivre la lecture lors de la livraison suivante ». La scène de confessionnal s’intègre aisément dans des dispositifs narratifs visant à tenir en haleine, parce qu’elle permet de jouer sur le secret de l’échange et sa révélation, de mettre en scène de vrais et faux confesseurs, des murmures à travers la grille du confessionnal. On retrouve ainsi ces scènes dans trois types de feuilletons le feuilleton de mœurs, le feuilleton judiciaire et le feuilleton clérical ou anticlérical. Dans le premier, la confession permet de donner l’occasion aux protagonistes d’énoncer leurs fautes ; dans le second, c’est le secret qui est le pivot le confesseur a connaissance d’agissements criminels mais ne peut contribuer à l’enquête ou au procès ; enfin le troisième met directement en scène des figures de bons ou mauvais confesseurs qui se sacrifient pour leurs pénitentes ou les entraînent dans la débauche, selon l’option retenue. Lise Quéffelec-Dumasy note que le feuilleton clérical ou anticlérical émerge dans les années 1850, s’affirme à la naissance de la IIIe République avant de décliner à partir de 190555. Cette chronologie renvoie aux liens entretenus par le feuilleton avec l’actualité et en particulier la chronologie de l’anticléricalisme56. La confession est ainsi commode à trois titres pour le feuilletoniste elle fournit des ressources pour la narration, elle renvoie à des débats qui passionnent les contemporains, enfin elle mobilise – et construit tout à la fois – des figures stéréotypées abordées infra – utiles dans un contexte d’écriture nécessairement rapide. 57 Judith Lyon-Caen, Saisir, décrire, déchiffrer les mises en texte du social sous la monarchie de ... 58 Judith Lyon-Caen, La Lecture et la vie les usages du roman au temps de Balzac, op. cit. 30Des récits de confessionnaux assiégés à Pâques aux chroniques mondaines mettant en scène confesseurs en vue et jolies dévotes », en passant par le fait divers, les journaux ont intégré la confession dans leurs descriptions des scènes de la vie parisienne. Ces scènes nourrissent en retour la fiction, celles des romans ou des feuilletons, bien que les auteurs défendent leur souci de vérité »57 dans la présentation de schémas narratifs et de stéréotypes qui, en retour, informent la façon dont lecteurs et lectrices perçoivent la confession58. La question du confessionnal, au fond, attire et fascine parce qu’elle est la manifestation explicite et paradoxale d’un secret qui existe en plein cœur de pratiques de visibilité et de distinction. C’est la raison pour laquelle le confessionnal, et ce que les corps y sont et y font, devient tout à la fois le modèle et le contre-modèle de la protection du secret. Pourquoi faudrait-il protéger les secrets ? Le secret du confessionnal, modèle ou contre-modèle 59 De nombreuses facettes de ces dynamiques ont été abordées dans l’édition 2018 du congrès de la Soci ... 60 Fabrice Cahen, Gouverner les mœurs. La lutte contre l’avortement en France, 1890-1950, Paris, INED, ... 61 Caroline Muller, Imaginaire et pratiques d’un secret professionnel le secret de la confession au ... 31À bien des égards, la seconde moitié du xixe siècle est un temps d’émergence et de perfectionnement de dispositifs d’observation59, de l’invention de la médecine clinique ou encore du perfectionnement de l’identification policière. Le secret doit désormais être défendu et/ou justifié, ce dont témoigne la bataille des médecins pour protéger le secret médical en un temps de durcissement de la lutte contre l’avortement60. Du point de vue juridique, le secret de la confession est quant à lui peu contesté et sert progressivement de référence aux autres secrets professionnels61. Ce secret modèle ne l’est pas pour tous et fait l’objet de violentes attaques par les milieux radicaux et anticléricaux. 62 Le Signal, 5 décembre 1905. 32En un temps de diffusion du suffrage, la confession est présentée comme un outil de manipulation des consciences des électeurs, soit par des pressions directes sur les hommes, soit par des pressions familiales refuser l’absolution aux femmes des électeurs. Cet argument de l’ingérence politique est très ancien puisqu’il était déjà utilisé pour dénoncer l’influence des confesseurs royaux. À partir de l’instauration du suffrage universel masculin 1870, ce discours se teinte d’inquiétude quant à la manipulation des élections, en particulier lorsque des recours sont déposés dans le Morbihan 1876. Cette peur signale la prégnance d’une conception des rapports sociaux qui repose sur l’influence et non sur l’autonomie du citoyen qui reste à construire. C’est cette question qui est à nouveau posée à partir de 1875 et des discussions autour du secret du vote. Ce n’est pas l’historique de ce secret qui m’intéresse ici mais la façon dont l’imaginaire du confessionnal joue dans la perception de l’isoloir, cabanon électoral » ou confessionnal laïque » pour ses détracteurs. Pour penser le secret, les parlementaires ne cessent de faire référence au confessionnal Jules Roche et Charles Ferry inventent la formule de confessionnal laïque » pour désigner l’isoloir, ce qui donne lieu ensuite à une métaphore filée jusqu’en 1913 et la réforme du code électoral. Les défenseurs de l’isoloir soulignent qu’il est nécessaire de protéger le secret du vote comme celui de la confession, et ils opposent le silence et la réflexivité de l’isoloir au bruit et aux pressions subies à l’extérieur. Dans l’isoloir, l’électeur aura le droit de se confesser tout seul avec sa conscience »62. Les discussions autour de l’isoloir permettent de montrer à quel point le confessionnal sert de référent dès lors qu’on discute de protéger un secret. 63 Jacqueline Lalouette, La libre-pensée en France 1848-1940, Paris, Albin Michel, 2001. Voir en par ... 64 Ibid., p. 231. 65 Jacqueline Lalouette, Histoire de l’anticléricalisme en France, Paris, PUF, 2020, p. 87. 66 Le Petit Parisien, 13 août 1879. 67 La Lutte sociale de Seine-et-Oise, 17 août 1901. 33Au contraire de ceux qui font du confessionnal un lieu de conscience réflexive, les détracteurs du secret de la confession déplacent invariablement la discussion sur le terrain des mœurs, s’appuyant sur l’ouvrage de Michelet, Le Prêtre, la femme et la famille 1845 qui présente confession et direction de conscience comme de véritables machineries du secret destinées à détruire la famille. Ce secret obsède les anticléricaux parce qu’il dissimulerait la débauche des femmes et les exactions sur les enfants. L’histoire de la libre-pensée, sa sociologie et ses moyens d’action sont bien connus grâce aux travaux de Jacqueline Lalouette63. La confession est perçue comme la source d’un adultère non seulement moral, mais également physique »64. La presse est un des outils de propagande des sociétés de libre-pensée et la dénonciation anticléricale est plus libre après 1881 et la fin du délit d’outrage à la religion65 elle prend place dans les feuilles des sociétés de libre-pensée mais aussi dans les journaux socialistes et radicaux. Cette attaque du secret du confessionnal s’inscrit dans un contexte plus général d’attention particulière aux faits divers impliquant des prêtres. Le fait divers devient un moyen d’étayer l’argumentaire par l’exemple. Dans sa chronique cléricale », Le Petit Parisien relaie de nombreux faits divers et procès d’attentats à la pudeur. Dans le récit, on prend soin de préciser le rôle du confessionnal dans la dissimulation des actes, par exemple l’histoire du vicaire de la Fère 1879 condamné pour des violences sexuelles sur plusieurs fillettes66. Le récit est développé sur plusieurs numéros on en retrouve mention le lendemain puis plusieurs mois plus tard. La Lutte sociale de Seine-et-Oise67 tient une rubrique spéciale intitulée ironiquement prêtres et frères persécutés en 1900 » qui met en valeur les crimes dont se rendent responsables des membres du clergé on y retrouve l’attentat à la pudeur sur de jeunes enfants ou encore des faits de violence 1901. La lecture suscite un effet de loupe sur ces crimes puisque ces journaux tiennent une véritable veille sur les faits divers impliquant le clergé dans tous les autres journaux, y compris ceux de province. 68 Denis Saint-Amand et Valérie Stiénon, Parodie de la science et réflexivité. La physiologie et le di ... 69 Jacqueline Lalouette, La libre-pensée en France, 1848-1940, op. cit. 70 Gaétan Delaunay, Histoire naturelle du dévot, Paris, Debons, 1879. 71 Valérie Stiénon, Lectures littéraires du document physiologique. Méthodes et perspectives, MethIS, ... 72 Anonyme, Physiologie du jésuite, Paris, Martinon, 1844. 34La méfiance à l’égard du corps du prêtre se nourrit aussi de discours qui se présentent comme pseudo-scientifiques ou médicaux. Deux types de textes soutiennent cette dangerosité du prêtre célibataire au confessionnal les textes émanant des médecins, et les physiologies » au statut plus incertain68. Plusieurs médecins dénoncent la chasteté des prêtres comme violation des lois de la nature menant à la perversion et à la criminalité, à l’exemple des docteurs Labarthe ou Clemenceau69 ; certains proposent même des traités complets consacrés aux liens entre pratique religieuse et état corporel70. Les physiologies » répondent à d’autres logiques éditoriales ces petits livres sont des études de mœurs croisées au traité scientifique. Si elles font la part belle à la caricature et à la satire, elles n’en manifestent pas moins une prétention à la scientificité dans leur velléité de description de types sociaux et professionnel »71. Ces physiologies construisent et diffusent des stéréotypes du prêtre » ou du jésuite »72 dans un jeu d’adaptation aux attentes du public anticlérical, ce dont témoignent les recensions ou publicités pour ce type de publications dans les feuilles satiriques. Les auteurs, sous pseudonyme, mêlent des considérations biologisantes et des descriptions présentées comme des études de mœurs. 73 La Lanterne, 10 mai 1900. 74 Il est parfois difficile d’attribuer les œuvres anticléricales à des auteurs précis car elles ne so ... 75 La Lanterne, 27 août 1889. 35Par ailleurs, le confessionnal est un puissant ressort narratif des fictions érotico-politiques élaborées pour dénoncer l’emprise du clergé. Dans ces récits, les confessionnaux sont d’indécentes et immorales alcôves où les curés donnent des rendez-vous à leurs pénitentes »73. Plusieurs ouvrages anticléricaux à succès témoignent de cet intérêt, que ce soit Les Mystères du confessionnal ou encore Cours de Luxure. Manuel des confesseurs74, faussement attribué à l’évêque du Mans. La grille du confessionnal se prête en particulier aux mises en scène amoureuses et érotiques, par le jeu de regards et de frustrations qu’elle peut susciter, aux dires des auteurs ; dans un feuilleton de La Lanterne du 5 avril 1898, à travers les grillages du confessionnal brillent les yeux noirs et vifs d’un capucin ». La grille sépare mais crée des jeux d’ombres ou laisse passer les parfums des corps ; une pénitente buvait l’ardente haleine {de son confesseur} à travers la grille du confessionnal »75. Les feuilletonistes jouent abondamment sur les odeurs celles qui filtrent à travers la grille, le parfum de la pénitente précédente, ou encore celui des cierges ou de l’encens, parfois même les fleurs de l’autel – ce qui permet d’assimiler le confessionnal à un boudoir dans lequel les sens sont sollicités, que ce soit l’odorat mais aussi la vue, puisque les uns et les autres essaient de se distinguer à travers les grilles. Du fait divers à ces fictions, journalistes et auteurs remobilisent les stéréotypes des chroniques mondaines, tels que ceux de la jolie dévote ou du beau prêtre. Illustration parue dans La Lanterne, 18 mars 1899 Source Gallica BnF, domaine public 76 Le Petit Moniteur Universel, 30 mars 1892. 77 Le Figaro, 21 août 1899. 78 L’Autorité, 30 juin 1891. 79 Le Figaro, 12 août 1901. 80 La Calotte, 5 mai 1911. 81 Jacqueline Lalouette, La Libre pensée en France 1848-1940, op. cit, p. 316. 36La dénonciation des abus couverts par le secret de la confession ne s’en tient pas cependant aux colonnes de papier des journaux les confessionnaux font l’objet de vandalismes et d’attaques directes. Lorsque les églises sont mises à sac, les confessionnaux font l’objet d’une attention particulière, à l’exemple des confessionnaux brisés » de l’église Saint-Joseph en 189276 puis 189977. À Saint-Brieuc en 1891, un malfaiteur met le feu au confessionnal78 ; à Troyes, une bombe explose à l’intérieur du meuble et détruit l’église79. Ces attaques de confessionnaux semblent moins fréquentes à Paris, peut-être en raison de la surveillance étroite des églises qui est mise en place dans le dernier tiers du siècle. Ce vandalisme de confessionnal peut aussi prendre des formes plus discrètes. Plusieurs journaux anticléricaux proposent à leurs abonnés des pochettes » de matériel militant. Celle de La Calotte 1912 est constituée de cartes postales, d’affiches, de brochures à distribuer autour de soi, de papillons anticléricaux illustrés et gommés » qui se collent sur les affiches électorales mais aussi… dans les confessionnaux. L’Action propose ces ancêtres des autocollants dès 1904. Dans son numéro du 5 mai 1911, La Calotte précise l’usage qui pourra en être fait Nous recommandons tout particulièrement à tous les libres-penseurs ce moyen de propagande anticléricale. Coller ces petites vignettes dans les rues, les églises, les presbytères, les confessionnaux, etc. »80 Enfin, des processions parodiques81 ne manquent pas d’attaquer directement la confession, tout comme les festivités carnavalesques. Le Figaro décrit ainsi un défilé anticlérical tenu à Roubaix 1882 82 Le Figaro, 22 mars 1882. La cavalcade de la Mi-Carême a donné lieu, dans notre ville, à des scènes ignobles […] l’un des chars représentait un confessionnal surmonté d’un coffre-fort. Un bon radical, revêtu d’un costume ecclésiastique, était assis dans le confessionnal ; devant lui venaient s’agenouiller à tour de rôle des filles, la plupart vêtues de déguisements rappelant le costume de nos religieuses, de nos Sœurs de charité même. Après un moment, ces drôlesses se relevaient, remettaient une pièce de monnaie à l’individu assis dans le confessionnal, et après l’avoir embrassé se retiraient en singeant le signe de la 37On retrouve ici les principaux motifs anticléricaux ayant trait au confessionnal la mise en scène de l’escroquerie financière confession/absolution contre pièce de monnaie, l’allusion à la débauche et au contact avec le confesseur. Le confessionnal est en pleine lumière, juché sur un char, comme le faux confesseur et ses pénitentes. La fonction carnavalesque est ici pleinement remplie, puisqu’il s’agit de tourner en ridicule et de renverser les marqueurs de la confession le secret, la discrétion, la sainteté et la pureté du confesseur, la bonne volonté des pénitentes. 38Les sources de presse sont précieuses parce qu’elles offrent différents niveaux de lecture aux historiens et historiennes. La première lecture, factuelle et descriptive, permet de comprendre la place occupée par la confession dans les pratiques religieuses de la population de Paris dans la seconde moitié du siècle, ses rythmes, ses ancrages spatiaux, la dimension concrète et matérielle de l’expérience des confesseurs et des pénitents. Un second niveau de lecture, qui s’attache cette fois aux modalités et régularités de la mise en discours de ces scènes de confession, révèle les perceptions des journalistes. Le choix d’un confesseur et le déplacement à l’église sont présentés comme des pratiques mondaines, galantes et féminines, dans une lecture qui mêle des considérations sur la classe les élites parisiennes et le genre frivolité et légèreté des dévotes. L’espace du confessionnal devient dès lors un lieu de mise en scène de soi. Le discours de presse est tout à la fois le produit des représentations des journalistes et un vecteur de diffusion et de renforcement de ces représentations, en particulier lorsque les récits fictionnels se donnent pour vrais. Enfin, une dernière lecture permet de rendre compte de la porosité entre discours et pratiques la presse anticléricale, loin de s’arrêter à la discussion de la légitimité de la confession, propose des actions concrètes anti-confessionnal. De même, la scène de confessionnal s’est tant imposée dans les imaginaires qu’elle devient un outil pour penser ou réfuter la nécessité du secret de l’isoloir, débordant ainsi largement le cadre de la discussion d’une pratique spirituelle. Haut de page Notes 1 Gil Blas, 29 mars 1880. 2 Michelle Perrot, Le secret de la correspondance au xixe siècle » dans Mireille Bossis dir., L’Épistolarité à travers les siècles, Cerisy, Franz Steiner Verlag, 1987. 3 Manuel Charpy, Le théâtre des objets. Espaces privés, culture matérielle et identité bourgeoise. Paris, 1830-1914 », thèse soutenue en 2010, Université François-Rabelais de Tours, p. 69, 4 Gérard Noiriel, L’Identification. Genèse d’un travail d’État, Paris, Belin, coll. Socio-histoires », 2007. 5 Amélie Chabrier, Les genres du prétoire chronique judiciaire et littérature au xixe siècle », thèse soutenue en 2013, Université Paul Valéry - Montpellier III, 6 Arnaud-Dominique Houte, Citoyens policiers ? Pratiques et imaginaires civiques de la sécurité publique dans la France du Second xixe siècle », Revue d’histoire du xixe siècle. Société d’histoire de la révolution de 1848 et des révolutions du xixe siècle, n° 50, 2015, p. 99‑116. 7 Michel Foucault, Dits et écrits, Paris, Gallimard, 2001, t. II, p. 1604. 8 Je renvoie ici au livre tiré de ma thèse de doctorat Caroline Muller, Au plus près des âmes et des corps. Une histoire intime des catholiques au xixe siècle, Paris, Presses Universitaires de France, 2019. 9 J’arrête la seconde borne chronologique à la veille de la discussion de la loi de séparation des Églises et de l’État qui m’aurait conduite à toutes les mentions des confessionnaux liées à la querelle des inventaires 1905-1906. 10 Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Eve Thérenty et Alain Vaillant dir., La Civilisation du journal histoire culturelle et littéraire de la presse française au xixe siècle, Paris, Nouveau Monde éditions, 2011, p. 173. 11 Jean Delumeau, L’Aveu et le pardon les difficultés de la confession, xiiie-xviiie siècle, Paris, Fayard, 1990. 12 Voir par exemple la contribution de Philippe Boutry dans Groupe de la Bussière, Pratiques de la confession, des pères du désert à Vatican II, Paris, Cerf, 1983. 13 Clara Sadoun-Édouard, Des confessionnaux embaumant le patchouli. Catholicisme et mondanité dans La Vie parisienne 1863-1900 », Archives des sciences sociales des religions, n° 165, 2014, p. 143‑161 ; Jacques-Olivier Boudon, Être chrétien dans une ville déchristianisée Paris au xixe siècle » dans Jacques-Olivier Boudon, Françoise Thélamon dir., Les Chrétiens dans la ville, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2006, p. 181-195. 14 Jacques-Olivier Boudon, Paris, capitale religieuse sous la Second Empire, Paris, Cerf, 2001. 15 Jean-Michel Léniaud, La visibilité de l’église dans l’espace parisien au xixe siècle “tours de Babel” catholiques pour la moderne Babylone » dans Christophe Charle, Daniel Roche dir., Capitales culturelles, capitales symboliques Paris et les expériences européennes xviiie-xxe siècles, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2002, p. 207-216. 16 Frédéric Gugelot, Cécile Vanderpelen-Diagre et Jean-Philippe Warren, Introduction. Entre Athènes et Babylone. Les catholiques en quête de capitale, xixe et xxe siècles le cas du monde francophone », Archives de sciences sociales des religions, n° 165, 2014, p. 9-29. 17 Alain Corbin, Coulisses », dans Philippe Ariès et Georges Duby dir., Histoire de la vie privée, t. IV. 4 , De la Révolution à la Grande guerre, Paris, Points, Seuil, 1999, p. 462. 18 Mangeant, Adolphe dir, Journal de menuiserie spécialement destiné aux architectes, aux menuisiers et aux entrepreneurs, Paris, A. Morel imprimeur-éditeur, 1872. 19 Charles Simonin, Le Révérend Père Stanislas Lorrain, rédemptoriste, 1835-1904 notice biographique », L’Apôtre du foyer, Saint-Étienne, 1906, p. 179. 20 Le Figaro, 20 octobre 1898, p. 2/6. 21 Pierre-Antoine Baudoin, Un confessionnal, 1765 ; Alexei Korzukhin, Avant la confession, 1876. 22 Lettre citée dans la biographie établie par Lucienne Portier, Un précurseur, l’abbé Huvelin, Paris, Cerf, 1979. 23 Bulletin paroissial de Saint-Sulpice, 25 janvier 1919. 24 Le Figaro, 25 décembre 1875. 25 Bulletin paroissial de Bourbon-Lancy, 18 mars 1898. 26 Anne-Claude Ambroise-Rendu, Crimes et délits une histoire de la violence de la Belle Époque à nos jours, Paris, Nouveau Monde, 2006. 27 Le Figaro, nouvelles diverses », 19 août 1883, p. 2/4. 28 Voir par exemple Le Figaro, 9 février 1905, p. 4/6. 29 Le Figaro, 4 mai 1908, p. 1/6. 30 Philippe Lejeune, Le journal quotidien à Émilie Serpin », Clio. Femmes, histoire et sociétés, n° 35, 2012, p. 147-163. 31 Le Figaro, 3 avril 1887, p. 1/4. 32 Le Figaro, 28 décembre 1866, p. 1/4. 33 L’Écho de Paris, 31 mars 1890, p. 1/4. 34 Le Figaro, 14 mars 1892. 35 Caroline Muller, Ce que confessent les journaux intimes un nouveau regard sur la confession France, xixe siècle », Circé. Histoire, savoirs, sociétés, Paris, Institut d’études culturelles, n°4, 2013/2, en ligne 36 Gil Blas, 13 avril 1889. 37 Gloria Origgi dir., Communications n° 93, La Réputation, Paris, Le Seuil, 2013, p. 5-10. 38 Le Figaro, 30 mars 1888. 39 Ibid. 40 Philippe Martin, Histoire de la messe le théâtre divin, Paris, CNRS Éditions, 2013. 41 Le Figaro, 10 juin 1894, p. 2/4. 42 L’installation du nouveau curé de la Madeleine », Le Figaro, 25 mars 1902, p. 2/6. Que dois-je corriger ? 43 Judith Lyon-Caen, La Lecture et la vie les usages du roman au temps de Balzac, Paris, Tallandier, 2006. 44 L’Écho de Paris, 31 mars 1890, p. 1 /4. 45 Émile Zola, Les Mystères de Marseille, dans Œuvres complètes, Arvensa Éditions numérique, p. 6374. 46 Le Figaro, 1er novembre 1869, p. 1/4. 47 Le xixe siècle, 6 avril 1890, p. 3/4. 48 La Comédie, 1er janvier 1877, p. 3/8. 49 Le Figaro, 30 août 1909. 50 On cause de Mme Z.., une très jolie femme, excessivement pieuse, qui unit l’élégance à la dévotion. – C’est ennuyeux, dit quelqu’un... elle est charmante, mais on ne la voit qu’à l’église. – Ah ! oui... fait Gontran... c’est une de nos “confessionnal-beauty”. » On retrouve ce passage, entre 1891 et 1894, dans Le Parisien, Le Journal, Le Figaro, L’Étendard, l’Indépendant rémois, Le Courrier du soir, Le Constitutionnel ou encore Le Progrès de la somme. 51 En particulier chez Boileau, Du Bellay ou encore La Bruyère. 52 Émile Zola, préface de la première édition, Les Mystères de Marseille, Arnaud, Marseille, 1867, n. p. 53 Le Figaro, 14 août 1892. 54 Anaïs Goudmand, Le roman-feuilleton ou l’écriture mercenaire l’exemple des Mystères de Paris », Cahiers de Narratologie, n° 31, 2016, en ligne 55 Lise Queffélec-Dumasy, Le roman-feuilleton français au xixe siècle, Paris, PUF, collection Que sais-je ? », 1999. 56 Jacqueline Lalouette, La libre-pensée en France, 1848-1940, Paris, Albin Michel, 2001. 57 Judith Lyon-Caen, Saisir, décrire, déchiffrer les mises en texte du social sous la monarchie de Juillet », Revue historique, vol. 630, 2, 2004, p. 303-331. 58 Judith Lyon-Caen, La Lecture et la vie les usages du roman au temps de Balzac, op. cit. 59 De nombreuses facettes de ces dynamiques ont été abordées dans l’édition 2018 du congrès de la Société des Études Romantiques et Dix-neuvièmistes autour de L’œil du xixe siècle » l’ophtalmologie, le regard scientifique, l’œil de la police, l’hypnotisme […]. Paris, Fondation Singer Polignac, du 26 au 29 mars 2018. 60 Fabrice Cahen, Gouverner les mœurs. La lutte contre l’avortement en France, 1890-1950, Paris, INED, 2016. 61 Caroline Muller, Imaginaire et pratiques d’un secret professionnel le secret de la confession au xixe siècle, Inflexions, n° 47, 2021. 62 Le Signal, 5 décembre 1905. 63 Jacqueline Lalouette, La libre-pensée en France 1848-1940, Paris, Albin Michel, 2001. Voir en particulier, pour ce qui nous intéresse ici, L’anthropologie libre penseuse du clergé » et les pages sur la confession, p. 226-240. 64 Ibid., p. 231. 65 Jacqueline Lalouette, Histoire de l’anticléricalisme en France, Paris, PUF, 2020, p. 87. 66 Le Petit Parisien, 13 août 1879. 67 La Lutte sociale de Seine-et-Oise, 17 août 1901. 68 Denis Saint-Amand et Valérie Stiénon, Parodie de la science et réflexivité. La physiologie et le dictionnaire dans le champ littéraire français du xixe siècle, MethIS, n° 3, 2010, p. 159-183. 69 Jacqueline Lalouette, La libre-pensée en France, 1848-1940, op. cit. 70 Gaétan Delaunay, Histoire naturelle du dévot, Paris, Debons, 1879. 71 Valérie Stiénon, Lectures littéraires du document physiologique. Méthodes et perspectives, MethIS, n°2, 2009, p. 71-85, ici p. 71- 72. 72 Anonyme, Physiologie du jésuite, Paris, Martinon, 1844. 73 La Lanterne, 10 mai 1900. 74 Il est parfois difficile d’attribuer les œuvres anticléricales à des auteurs précis car elles ne sont pas toujours signées ou sont publiées sous pseudonyme ; l’abbé Toigne, auteur des Mystères du confessionnal, ouvrage à succès plusieurs fois réédité dans toute la seconde moitié du siècle, subit en 1850 un procès pour outrage à la morale publique. 75 La Lanterne, 27 août 1889. 76 Le Petit Moniteur Universel, 30 mars 1892. 77 Le Figaro, 21 août 1899. 78 L’Autorité, 30 juin 1891. 79 Le Figaro, 12 août 1901. 80 La Calotte, 5 mai 1911. 81 Jacqueline Lalouette, La Libre pensée en France 1848-1940, op. cit, p. 316. 82 Le Figaro, 22 mars de page Table des illustrations Titre Fig. 1 Légende Haut confessionnal de Saint-Germain-des-Prés, 1906, Eugène Atget, 1906 Crédits Source Gallica BnF, domaine public. URL Fichier image/jpeg, 236k Titre Fig. 2 Légende Bas confessionnal de Saint-Sulpice, Eugène Atget, vers 1906 Crédits Source Gallica BnF, domaine public URL Fichier image/jpeg, 276k Titre Légende Illustration parue dans La Lanterne, 18 mars 1899 Crédits Source Gallica BnF, domaine public URL Fichier image/jpeg, 889k Haut de page Pour citer cet article Référence électronique Caroline Muller, Les mystères du confessionnal » ? », Arts et Savoirs [En ligne], 16 2021, mis en ligne le 17 décembre 2021, consulté le 21 août 2022. URL ; DOI de page
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RĂ©sumĂ©s Comment comprendre qu’un rituel transforme une statue de pierre en un dieu vivant, et comment envisager ce phĂ©nomène autrement que comme une croyance trompeuse ? Il faudrait tenter de saisir la logique paradoxale qui permet d’articuler dans un mĂŞme objet ses dĂ©terminations matĂ©rielles et ses caractĂ©ristiques divines. En prenant au sĂ©rieux les analyses que les derniers philosophes nĂ©oplatoniciens ont menĂ©es de leurs propres pratiques thĂ©urgiques, il nous semble possible de dĂ©gager les linĂ©aments d’une thĂ©orie de l’objet rituel qui remette le problème en perspective Ă partir de ses implications mĂ©taphysiques. How can one understand that a ritual may transform a stone statue into a living god, and see in this phenomenon something other than an erroneous belief? In order to do so, one must try to grasp the paradoxical logic that makes it possible to articulate through a single object both material determinations and divine features. By taking the analysis that the last Neoplatonists gave of their own theurgical practice seriously, it seems possible to lay the ground for a theory of the ritual object that raises the question anew, from the point of view of its metaphysical de page Texte intĂ©gral L’objet et le rituel 1Le court-mĂ©trage d’Alain Resnais et de Chris Marker datĂ© de 1953, Les statues meurent aussi, apparaĂ®t comme une mĂ©ditation sur ce qu’on pourrait appeler la vie et la mort des statues. Il interroge le destin des objets d’art africains dès lors qu’ils cessent d’appartenir Ă leur contexte religieux pour devenir des produits culturels. Le film s’ouvre sur cette assertion Quand les statues sont mortes, elles entrent dans l’art ». C’est-Ă -dire elles entrent au musĂ©e. Depuis les ready-made de Marcel Duchamp, les historiens de l’art se demandent comment un objet banal et quotidien, par exemple un urinoir, peut se transformer en Ĺ“uvre d’art, par le simple fait qu’il pĂ©nètre l’espace propre du musĂ©e. Quel est ce dispositif mystĂ©rieux capable de transformer un objet en Ĺ“uvre d’art par une simple opĂ©ration de transfert ? C’est en quelque sorte l’opĂ©ration inverse que Resnais et Marker mettent en Ă©vidence dans la musĂ©ification des objets d’art africains. Si le musĂ©e offre une nouvelle vie glorieuse aux objets techniques du monde occidental, il est pour les statues africaines un vĂ©ritable cimetière, le lieu de consĂ©cration de leur mort. C’est en passant du monde du culte et de la religion Ă celui de l’art que les statues passent de la vie Ă la mort. 2Comment expliquer un tel passage ? Un objet est mort quand le regard vivant qui se posait sur lui a disparu ». Autrement dit, les statues meurent quand elles cessent d’être objets de culte et de fixer ou de manifester la prĂ©sence des esprits et des dieux et qu’elles deviennent de purs objets de contemplation. Comme on avait pour le musĂ©e sa version esthĂ©tique, on aurait lĂ la version ethnologique du esse est percipi. Ce serait les conditions perceptuelles, au sens large, d’un objet qui en dĂ©termineraient l’essence. Ainsi le contexte du monde de l’art europĂ©en transforme-t-il une statue vivante en une statue morte, une divinitĂ© en une Ĺ“uvre d’art. 3L’idĂ©e paraĂ®t simple, mais comment comprendre la rĂ©ciproque, qui veut que percevoir, c’est faire ĂŞtre ? C’est-Ă -dire qu’un certain usage rituel des objets les fait littĂ©ralement vivre, transforme une statue de pierre en un dieu vivant ? 1 Sur la tĂ©lestique dans le nĂ©oplatonisme, voir Joseph Bidez, Note sur les mystères nĂ©oplatonicien ... 4Point n’est besoin pourtant d’exotisme pour rencontrer le problème du caractère vivant des objets rituels. Les religions antiques ont en effet abondamment pratiquĂ© le rituel Ă©tonnant de l’animation des statues, que les Grecs appelaient tĂ©lestique ». Si la pratique de la tĂ©lestique semble appartenir Ă des cultes orientaux, Ă©gyptiens, chaldĂ©ens, voire iraniens, elle est largement attestĂ©e dans la culture grecque et s’est perpĂ©tuĂ©e jusque dans l’AntiquitĂ© tardive1. Elle consiste Ă confĂ©rer une âme Ă une statue en faisant descendre par des incantations et des rituels le divin dans l’objet qui le reprĂ©sente. Le traitĂ© hermĂ©tique AsclĂ©pius prĂ©sente cependant la tĂ©lestique comme une vĂ©ritable production matĂ©rielle du divin. 2 AsclĂ©pius, 37-38, Corpus Hermeticum, t. II, Ă©d. Nock, trad. AndrĂ©-Jean Festugière, Paris, Les ... Ce que nous avons dit de l’homme est dĂ©jĂ merveilleux, mais toutes ces merveilles ne valent pas celle-ci ce qui commande surtout l’admiration, c’est que l’homme a Ă©tĂ© rendu capable de dĂ©couvrir la nature des dieux, et de la produire. Nos premiers ancĂŞtres donc, après avoir gravement errĂ© quant Ă la vraie doctrine sur les dieux – ils ne croyaient point en eux et ne se souciaient ni de culte ni de religion, – inventèrent l’art de faire des dieux ; puis, l’ayant trouvĂ©, ils y attachèrent une vertu appropriĂ©e, qu’ils tiraient de la nature matĂ©rielle ; et, mĂŞlant cette vertu Ă la substance des statues, comme ils ne pouvaient crĂ©er proprement des âmes, après avoir Ă©voquĂ© des âmes de dĂ©mons ou d’anges, ils les introduisirent dans leurs idoles par des rites saints et divins, en sorte que ces idoles eussent le pouvoir de faire du bien et du mal. […]– Et de ces dieux qu’on nomme terrestres, Ă´ TrismĂ©giste, de quelle sorte est la propriĂ©tĂ© ?– Elle rĂ©sulte, AsclĂ©pius, d’une composition d’herbes, de pierres et d’aromates qui contiennent en eux-mĂŞmes une vertu occulte d’efficacitĂ© divine. Et, si l’on cherche Ă les rĂ©jouir par de nombreux sacrifices, des hymnes, des chants de louange, des concerts de sons très doux qui rappellent l’harmonie du ciel, c’est pour que cet Ă©lĂ©ment cĂ©leste qui a Ă©tĂ© introduit dans l’idole par la pratique rĂ©pĂ©tĂ©e de rites cĂ©lestes puisse supporter joyeusement ce long sĂ©jour parmi les hommes. VoilĂ comment l’homme fabrique des dieux2. 3 Sur cette cĂ©lèbre formule, voir Sarah Iles Johnston, Homo fictor deorum est Envisionning the Di ... 5Si la pratique consiste littĂ©ralement Ă joindre une âme Ă une composition matĂ©rielle particulière, elle est interprĂ©tĂ©e comme une fabrication humaine du divin homo est fictor deorum3. L’homme est un fabricant de dieux. Que signifie faire un dieu ? Est-ce simplement fabriquer une idole matĂ©rielle, une statue qui n’est que le rĂ©ceptacle d’une puissance supĂ©rieure ? Ou bien en va-t-il d’une production d’ordre supĂ©rieur, pour ainsi dire ontologique, dans laquelle l’homme vĂ©ritablement ferait les dieux ? 6Le problème est exposĂ© sur un mode parodique chez Minucius Felix, qui, sous couvert de tourner en ridicule la tĂ©lestique paĂŻenne et son caractère idolâtre, en expose toute l’ambiguĂŻtĂ© et toute la subtilitĂ© 4 Minucius Felix, Octavius, XXIV, 8, Ă©d. et trad. Jean Beaujeu, Paris, Les Belles Lettres, 1964, p. ... Qui peut donc douter que, si la foule adresse des prières et rend un culte public aux effigies consacrĂ©es de ces personnages, c’est parce que l’opinion, l’esprit des gens ignorants se laisse abuser par les grâces de l’art, Ă©blouir par l’éclat de l’or, fasciner par le brillant de l’argent et la blancheur de l’ivoire ? Quiconque se reprĂ©sentera les instruments de torture et les machines qui Ĺ“uvrent Ă façonner toute statue, rougira de craindre une matière dont s’est jouĂ© l’artiste pour en faire un dieu. En effet, un dieu de bois, qui peut ĂŞtre un fragment de bĂ»ches ou de cruche stĂ©rile, est suspendu, taillĂ©, dĂ©grossi, rabotĂ© ; un dieu de bronze ou d’argent provient bien souvent, comme cela fut le cas pour un roi d’Égypte, d’un immonde petit rĂ©cipient, qui est fondu, battu Ă coup de maillet et façonnĂ© sur l’enclume ; un dieu de pierre est taillĂ©, sculptĂ© et poli par un homme corrompu, et d’ailleurs hoffmann eros aletheia pistisil est aussi insensible aux outrages de sa naissance que plus tard aux honneurs dont l’entoure votre vĂ©nĂ©ration. On me dira peut-ĂŞtre que la pierre, le bois ou l’argent n’est pas encore un dieu. Quand donc celui-ci naĂ®t-il ? Voyez-le couler, forger, sculpter il n’est pas encore un dieu ; voyez-le souder, assembler, Ă©riger il n’est pas encore un dieu ; voyez-le parer, consacrer, implorer alors enfin il est dieu, lorsqu’un homme l’a voulu tel et dĂ©cidĂ© comme tel4. 7Le texte semble distinguer trois moments de la production de la statue divine la fabrication, l’érection et la consĂ©cration ; mais ce n’est qu’avec le dernier que la statue devient vĂ©ritablement un dieu. Une opposition claire apparaĂ®t entre la production matĂ©rielle et la production rituelle. Ce qu’on peut appeler Ă proprement parler fabrication du divin, ce n’est pas la production de la statue comme objet matĂ©riel, mais sa production symbolique et rituelle, qu’effectuent la parure et la prière. C’est performativement, pour ainsi dire, que la statue devient un dieu. 8Est-il possible de lire Ă rebrousse-poil le texte de Minucius Felix et de tenter de prendre au sĂ©rieux la distinction qu’il propose ? En s’en tenant Ă une lecture faible, on opposera la production matĂ©rielle de l’objet, la fabrication de la statue concrète, Ă la projection symbolique et performative sur elle de qualitĂ©s divines, qui relève d’un phĂ©nomène de croyance. Si l’on accepte en revanche de donner un sens fort Ă la distinction, ce qui vient complĂ©ter la fabrication matĂ©rielle de l’objet n’est pas un supplĂ©ment d’âme fictif mais un autre type de production qui, s’il ne fabrique rien Ă proprement parler, fait du divin. Il ne s’agira plus alors d’opposer, comme le fait Minucius Felix, une rĂ©alitĂ© objective et sa dĂ©formation par une perception subjective, la statue et ce qu’on croit qu’elle est, mais plutĂ´t d’articuler deux niveaux d’objectivitĂ©, si l’on veut, matĂ©rielle et spirituelle, qui font exister la statue non seulement comme objet mais aussi comme dieu. 9Nous voudrions tenter de comprendre en quel sens l’activitĂ© rituelle qui entoure l’objet peut ĂŞtre considĂ©rĂ©e comme une activitĂ© productive. Dans le rite de consĂ©cration de la statue s’opère un basculement de point de vue la statue qui n’était qu’un tas de pierre devient une divinitĂ© vivante. Nous faisons l’hypothèse que ce basculement entre les deux perspectives ne doit pas ĂŞtre envisagĂ© comme une simple diffĂ©rence subjective de point de vue, comme telle externe Ă l’objet, mais au contraire comme un court-circuit interne Ă l’objet lui-mĂŞme, qui le scinde objectivement. L’idĂ©e que la distinction dĂ©pendrait du point de vue de celui qui perçoit l’objet n’est pas satisfaisante si l’on s’accorde aisĂ©ment Ă dire que prĂŞter une âme ou une qualitĂ© divine Ă une chose est une vue de l’esprit, accepte-t-on de dire que considĂ©rer une chose comme un pur agrĂ©gat de matière en est une aussi ? Il nous paraĂ®t plus Ă©clairant de comprendre comment un objet peut se prĂ©senter aussi bien comme matière que comme esprit. 10Ce qui est difficile Ă saisir, c’est qu’un mĂŞme objet soit Ă la fois un tas de pierre et un dieu vivant, que se superposent en lui ces deux dimensions qui en font l’unitĂ© profonde en mĂŞme temps qu’elles le sĂ©parent de lui-mĂŞme, le partagent entre ce qu’il est matĂ©riellement et substantiellement et ce qu’il est en tant que puissance divine. Il nous semble pourtant que seule une telle objectivitĂ© paradoxale permet de comprendre la tĂ©lestique. En mĂŞme temps, ce n’est que dans la pratique rituelle qu’une telle objectivitĂ© existe et se vĂ©rifie. Ce n’est en effet que par le moyen du rite que la statue devient un dieu. Il importe alors de comprendre en quel sens le rituel permet d’articuler les diffĂ©rentes dimensions de l’objet afin, selon la formule hermĂ©tique, de faire des dieux. 11Nous appellerons objet rituel l’objet qui est au centre du rituel, Ă la fois en tant que ce qui fait l’objet du culte la statue que l’on vĂ©nère et ce que le culte produit la statue transformĂ©e en dieu. Nous voudrions mettre en Ă©vidence dans le syntagme objet rituel la relation circulaire qui existe entre l’objet et le rituel, au sens oĂą si c’est une dĂ©termination de l’objet lui-mĂŞme qui rend possible le rituel, ce n’est que dans le rituel que cette dĂ©termination se dĂ©ploie. MĂ©taphysique de l’objet rituel 5 Pour une prĂ©sentation gĂ©nĂ©rale de la thĂ©urgie, la rĂ©fĂ©rence reste l’ouvrage classique de Hans Lewy ... 12Nous nous attacherons au cas des pratiques thĂ©urgiques et des dĂ©veloppements thĂ©oriques qu’elles ont suscitĂ© dans le dernier nĂ©oplatonisme Ă partir du ive siècle5. Le contraste entre le dĂ©veloppement d’une philosophie extrĂŞmement abstraite et subtile et l’attrait pour des formes archaĂŻsantes et superstitieuses de paganisme, qui a longtemps Ă©tonnĂ© les historiens de la pensĂ©e, rĂ©vèle ici toute sa force. Comment les raffinements mĂ©taphysiques du nĂ©oplatonisme ont-ils pu s’accommoder d’une pratique religieuse aussi grossière que celle de l’animation des statues ? Loin qu’il y ait une contradiction chez les nĂ©oplatoniciens entre la mĂ©taphysique et les usages religieux, il existe plutĂ´t entre elles une affinitĂ© profonde, si bien que le nĂ©oplatonisme offre l’une des explications thĂ©oriques les plus Ă©laborĂ©es et les plus pĂ©nĂ©trantes des rituels tĂ©lestiques. Plotin dĂ©jĂ semble avoir reconnu les pratiques tĂ©lestiques comme une donnĂ©e culturelle irrĂ©futable, sans toutefois leur accorder une place trop importante dans sa pensĂ©e. 6 Plotin, ÉnnĂ©ades, IV, 3 [27], 11 DifficultĂ©s relatives Ă l’âme I », trad. Émile BrĂ©hier, Paris ... Les anciens sages qui ont voulu se rendre les dieux prĂ©sents en construisant des temples et des statues, me paraissent avoir bien vu la nature de l’univers ; ils ont compris qu’il est toujours facile d’attirer l’âme universelle, mais qu’il est particulièrement aisĂ© de la retenir, en construisant un objet disposĂ© Ă subir son influence et Ă en recevoir la participation. Or la reprĂ©sentation imagĂ©e d’une chose est toujours disposĂ©e Ă subir l’influence de son modèle, elle est comme un miroir capable d’en saisir l’apparence. La nature, avec un art admirable, fait les choses Ă l’image des ĂŞtres dont elle possède les raisons ; ainsi est nĂ©e chaque chose, raison intĂ©rieure Ă la matière, recevant une forme correspondante Ă une raison supĂ©rieure Ă la matière ; car la nature la met en contact avec la divinitĂ© d’après laquelle elle est engendrĂ©e, que l’âme universelle contemple, et d’après laquelle elle se dispose en crĂ©ant la chose. Il est donc impossible qu’il n’y ait rien qui ne participe Ă cette divinitĂ© ; mais il est aussi impossible qu’elle descende ici-bas6. 13Pour Plotin, la magie pratique n’est qu’un cas des lois gĂ©nĂ©rales de sympathie qui gouvernent l’Univers. Si la magie est opĂ©rante, c’est parce que le monde est animĂ© de part en part et que toutes ses parties communiquent et conspirent. La première magie, c’est la nature elle-mĂŞme. En vertu de cette sympathie universelle, une parcelle de matière peut recevoir l’influence des dieux. 14Le rapport entre la statue et la divinitĂ© est celui d’une image Ă son modèle. S’il y a de toute Ă©vidence dans la relation de ressemblance bien plus qu’une simple analogie formelle, une sorte de connivence et de continuitĂ© entre les choses qui se ressemblent, on ne saurait toutefois en faire un vecteur de prĂ©sence. Les choses qui se ressemblent ne se confondent pas et Plotin prend soin de prĂ©ciser que la divinitĂ© ne descend pas dans la matière. 15Le contre-exemple plotinien permet de saisir l’ampleur du tournant effectuĂ© par Jamblique, qui, loin de se rĂ©duire Ă la simple adoption, sous l’influence des Oracles chaldaĂŻques, de pratiques magico-religieuses orientales, consiste en une vĂ©ritable rĂ©volution mĂ©taphysique. En effet, comme il fallait aussi que ce qui est sur terre ne fĂ»t nullement sans part Ă la communautĂ© divine, la terre aussi a reçu une certaine part divine de celle-ci, capable d’offrir un espace pour accueillir les dieux. Cela, assurĂ©ment, l’art thĂ©urgique l’a bien vu et ainsi dĂ©couvre, selon le principe gĂ©nĂ©ral de l’appropriation, les rĂ©ceptacles qui conviennent Ă chacun des dieux aussi entrelace-t-il souvent pierres, herbes, ĂŞtres vivants, aromates et autres choses de ce genre, sacrĂ©es, achevĂ©es et spĂ©cifiquement divines, et ensuite rĂ©alise Ă partir de tout cela un rĂ©ceptacle complètement achevĂ© et pur. 7 Jamblique, Les mystères d’Égypte, RĂ©ponse d’Abamon Ă la Lettre de Porphyre Ă AnĂ©bon, trad. Michèle ... Car il ne faut pas rejeter toute la matière, mais seulement celle qui est Ă©trangère aux dieux, il faut plutĂ´t choisir celle qui leur est appropriĂ©e, dans la pensĂ©e qu’elle est capable de s’harmoniser Ă la construction de leurs demeures, Ă l’érection de leurs statues et Ă l’accomplissement sacrĂ© des sacrifices. Car, s’il en Ă©tait autrement, pour les dieux terrestres ou les hommes qui habitent ici, il ne pourrait y avoir de participation Ă la rĂ©ception des ĂŞtres supĂ©rieurs, si un tel fondement n’avait pas Ă©tĂ© prĂ©alablement Ă©tabli. Il faut suivre les paroles secrètes qui disent que, par les spectacles bienheureux, une certaine matière est Ă©galement offerte, venant des dieux. Celle-ci est d’une certaine manière connaturelle Ă ceux-lĂ mĂŞmes qui la donnent. Aussi, le sacrifice d’une matière Ă©veille les dieux pour qu’ils se manifestent, les appelle aussitĂ´t Ă descendre pour se laisser saisir, leur offre un espace de rĂ©ception quand ils se prĂ©sentent, et les montre parfaitement7. 8 Pour une Ă©tude dĂ©taillĂ©e de la place de la thĂ©urgie dans la philosophie de Jamblique, voir Gregory ... 16La confection des statues et leur animation ne sont pas de simples traits culturels empruntĂ©s Ă la religion des ChaldĂ©ens, mais le corrĂ©lat pratique d’une nouvelle conception de la matière8. Sous certaines conditions, la matière est connaturelle aux dieux, et Ă la limite, elle est elle-mĂŞme divine. La thĂ©urgie est une vĂ©ritable opĂ©ration mĂ©taphysique en faisant descendre les dieux dans les statues, elle rĂ©veille dans la matière ses dispositions au divin, elle rĂ©unit le cosmos entier. Si la religion professĂ©e par Jamblique consiste en une sĂ©rie d’activitĂ©s matĂ©rielles, c’est parce que les dieux sont aussi dans la matière et que, si le thĂ©urge dĂ©sire s’unir Ă eux, il ne peut le faire sans prendre celle-ci en considĂ©ration. Sans rĂ©cuser le caractère transcendant du divin, Jamblique n’en jette pas moins, en faisant l’apologie de la thĂ©urgie, les bases de ce que nous nous risquerons Ă appeler une thĂ©ologie matĂ©rialiste. 17C’est dans le fragment Sur l’art hiĂ©ratique de Proclus que cette intuition a Ă©tĂ© poussĂ©e le plus loin. Dans un texte en apparence simple, qui s’apparente Ă un petit traitĂ© de magie pratique, Proclus livre une thĂ©orie de l’objet rituel qui prĂ©suppose largement la mĂ©taphysique qu’il dĂ©veloppe dans ses ouvrages systĂ©matiques. 9 Proclus, Sur l’art hiĂ©ratique, trad. Festugière, in La rĂ©vĂ©lation d’Hermès TrismĂ©giste, vol. ... De mĂŞme que les dialecticiens de l’amour s’élèvent Ă partir des beautĂ©s sensibles jusqu’à ce qu’ils rencontrent le principe mĂŞme unique de toute beautĂ© et de tout intelligible, ainsi les initiateurs aux saints mystères, partant de la sympathie qui unit toutes les choses visibles entre elles et avec les puissances invisibles, et comprenant que tout est en tout, ont-ils fondĂ© cette science hiĂ©ratique, non sans s’émerveiller de voir dans les premiers termes des chaĂ®nes les termes les plus infimes et dans ces derniers les tout premiers, au ciel les choses terrestres dans leur cause et sous un mode cĂ©leste, ici-bas les choses cĂ©lestes sous un mode propre Ă la terre. D’oĂą vient en effet que l’hĂ©liotrope se meut en accord avec le Soleil, le sĂ©lĂ©notrope avec la Lune, tous deux faisant cortège, dans la mesure de leurs forces, aux luminaires du Monde ?9 10 Fr. A 22 D-K, voir Aristote, De l’âme, I, 5, 411a 5-10. 18Le texte se prĂ©sente comme une rĂ©flexion sur le thème tout Ă fait classique en magie de la sympathie universelle ». La confection de mĂ©langes de diffĂ©rentes matières servant Ă remplir les statues creuses pour y loger des dieux, repose tout entière sur les propriĂ©tĂ©s magiques ou sympathiques des animaux, des vĂ©gĂ©taux et des minĂ©raux. C’est parce que la matière et le divin, la terre et le ciel sont en sympathie qu’une activitĂ© magique est possible. Il ne s’agit toutefois pas d’utiliser les propriĂ©tĂ©s naturelles des choses, pas plus qu’il n’est question de tirer parti de leurs vertus surnaturelles ou occultes. Proclus entend montrer que, selon le mot de Thalès, tout est plein de dieux »10 et ce qui prĂ©cisĂ©ment l’intĂ©resse dans les propriĂ©tĂ©s divines des choses, c’est qu’elles tĂ©moignent du mode de prĂ©sence des dieux dans les choses, qu’elles en sont le signe secret. 11 Ibid., p. 135. Tout est donc plein de dieux, la terre est pleine de dieux cĂ©lestes, le ciel de dieux supracĂ©lestes; chaque sĂ©rie procède, s’accroissant en nombre, jusqu’à ses termes derniers. En effet, ce qui existait dans l’unitĂ© avant toutes choses est manifestĂ© dans tous les membres de la sĂ©rie. D’oĂą les organisations des âmes, dĂ©pendantes celles-ci d’un dieu, celles-lĂ d’un autre11. 19Les puissances divines sont fragmentĂ©es et rĂ©parties dans les choses. Il y a au cĹ“ur de chaque chose, confondue avec son intimitĂ© ou son individualitĂ© la plus propre, une Ă©tincelle divine. Cet indice qui ordonne la chose Ă un dieu, les nĂ©oplatoniciens lui donnent le nom technique de symbole sumbolon ou de signature sunthĂŞma. 12 Proclus, ThĂ©ologie platonicienne, II, 8, Ă©d. et trad. Henri-Dominique Saffrey et Leendert Gerrit W ... Car, celui qui est cause de tout l’univers a ensemencĂ© dans tous les ĂŞtres des marques de son absolue supĂ©rioritĂ©; par le moyen de ces marques, il a Ă©tabli tous les ĂŞtres en rĂ©fĂ©rence Ă lui, et il est ineffablement prĂ©sent Ă tous, bien qu’il transcende tout l’univers. Donc chaque ĂŞtre, en rentrant dans ce qu’il y a d’ineffable dans sa propre nature, dĂ©couvre le symbole du Père de tout l’univers; tous les ĂŞtres par nature le vĂ©nèrent et, par le moyen de la marque mystique qui appartient Ă chacun, s’unissent Ă lui, en dĂ©pouillant leur propre nature et en mettant tout leur cĹ“ur Ă ne plus ĂŞtre que la marque de dieu et ne plus participer que de dieu, Ă cause du dĂ©sir qu’ils ont de cette nature inconnaissable et de la Source du Bien […]12. 13 Traditionnellement la thĂ©orie des signatures se situe au croisement de la botanique, de la mĂ©decin ... 20La signature est l’indice d’une prĂ©sence divine, non pas vecteur de signification mais d’efficacitĂ©13. C’est un symbole efficace, qui agit dans l’objet, le convertit au dieu qui le constitue. Il ne s’agit pas pour le thĂ©urge de l’interprĂ©ter mais d’opĂ©rer avec, de le faire agir et d’en libĂ©rer la puissance. La thĂ©urgie reconduit les choses Ă leur divinitĂ©. Cela suppose qu’elles se dĂ©pouillent de leurs dĂ©terminations naturelles la signature est prĂ©cisĂ©ment la marque dans l’objet de la sĂ©paration entre sa nature et sa divinitĂ©. 14 Proclus, Sur l’art hiĂ©ratique, p. 135. D’oĂą encore, par exemple, le grand nombre des animaux hĂ©liaques, tels que le lion et le coq, qui eux aussi participent au divin selon le rang qu’ils occupent. L’admirable, c’est comment, chez ces animaux, les moins pourvus en force et en taille se font craindre de ceux qui l’emportent sur ces deux points car le lion, dit-on, recule devant le coq. La raison n’en est pas Ă prendre dans les donnĂ©es des sens, mais dans une considĂ©ration intellectuelle, c’est-Ă -dire une diffĂ©rence qui remonte aux causes elles-mĂŞmes. C’est que, en vĂ©ritĂ©, la prĂ©sence dans le coq des symboles hĂ©liaques a plus d’efficace. Il le montre bien par la conscience qu’il a du circuit du Soleil car il chante un hymne au lever de l’astre et quand l’astre se tourne vers les autres centres…14 15 C’est, nous semble-t-il, la signification profonde de la thĂ©orie proclienne des hĂ©nades. Leur fonc ... 21Si le lion est naturellement plus fort que le coq, toutefois la signature solaire est plus puissante dans le coq que dans le lion. C’est pourquoi le coq peut l’emporter sur le lion. Parallèlement Ă l’ordre naturel des choses, il existe un ordonnancement divin du monde, qui ne se superpose pas exactement Ă celui-lĂ 15. Si les ĂŞtres se distinguent les uns des autres par des caractĂ©ristiques formelles gĂ©nĂ©rales, ils se rapportent aussi les uns aux autres en fonction de propriĂ©tĂ©s divines plus particulières. Ils appartiennent Ă la fois Ă des classes ontologiques et Ă des ordres divins. La signature est prĂ©cisĂ©ment ce qui soustrait l’objet Ă ses dĂ©terminations naturelles ou essentielles, et l’ordonne Ă un mode d’existence proprement divin. 22Quel est ce mode d’existence non naturel et pour ainsi dire non ontologique des choses? On peut l’appeler symbolique, au sens prĂ©cis du symbole dans la thĂ©urgie nĂ©oplatonicienne, ou encore rituel. Le rituel ne consiste pas simplement en une technique ou une activitĂ© humaine mais c’est une dimension des choses. Le lotus lui aussi manifeste son affinitĂ© avec le Soleil sa fleur est close avant l’apparition des rayons solaires, elle s’ouvre doucement quand le Soleil commence Ă se lever, et Ă mesure que l’astre monte au zĂ©nith, elle se dĂ©ploie, puis de nouveau se replie lorsqu’il s’abaisse vers le couchant. Or quelle diffĂ©rence y a-t-il entre le mode humain de chanter le Soleil, en ouvrant ou fermant la bouche et les lèvres, et celui du lotus, qui dĂ©plie et replie ses pĂ©tales? Car ce sont lĂ ses lèvres Ă lui, c’est lĂ son chant naturel. 16 Proclus, Sur l’art hiĂ©ratique, p. 134-135. Mais pourquoi parler des plantes, oĂą subsiste encore quelque trace de vie gĂ©nĂ©rative? Ne voit-on pas les pierres elles-mĂŞmes respirer en correspondance avec les effluves des astres? Ainsi l’hĂ©lite, par ses rayons Ă couleur d’or, imite les rayons du Soleil; la pierre qu’on nomme Ĺ“il de Bel » et dont l’aspect ressemble aux prunelles des yeux Ă©met du centre de sa prunelle une lumière brillante, ce qui fait dire qu’on devrait l’appeler Ĺ“il du Soleil »; la sĂ©lĂ©nite change de forme et de mouvement en accord avec les changements de la Lune, et l’hĂ©liosĂ©lène est comme une image de la rencontre des deux luminaires, Ă la ressemblance des rencontres et des sĂ©parations qui se font au ciel16. 23S’il est possible d’invoquer une divinitĂ©, de la faire descendre dans une statue, c’est parce que la statue elle-mĂŞme Ĺ“uvre Ă faire venir en elle le divin. Pour le dire autrement, l’activitĂ© rituelle des hommes ne fait que doubler l’existence rituelle des choses. Toute chose a une vie rituelle propre les plantes et les pierres prient Ă leur façon. En dĂ©crivant le monde comme une grande prière cosmique, Proclus semble dĂ©cliner la très belle thĂ©orie plotinienne de la contemplation. 17 Plotin, ÉnnĂ©ades, III, 8 [30], 8 De la nature, de la contemplation et de l’Un », trad. É. BrĂ©h ... Avant d’aborder notre sujet sĂ©rieusement, si nous nous amusions Ă dire que tous les ĂŞtres dĂ©sirent contempler et visent Ă cette fin, les ĂŞtres raisonnables comme les bĂŞtes, et mĂŞme les plantes et la terre qui les engendre; si nous ajoutions que tous ces ĂŞtres arrivent Ă cette fin autant qu’ils en sont capables et conformĂ©ment Ă leur nature, mais qu’ils contemplent chacun Ă leur manière et atteignent tantĂ´t des rĂ©alitĂ©s, pourrait-on supporter pareil paradoxe? […] Sans doute ces vies sont des pensĂ©es de diffĂ©rentes espèces; il y a une pensĂ©e de la plante, une pensĂ©e de l’animal douĂ© de sens, une pensĂ©e de l’être douĂ© d’une âme; comment des pensĂ©es? Oui, puisque ce sont des raisons; toute vie est une pensĂ©e, mais une pensĂ©e plus ou moins obscure comme la vie elle-mĂŞme17. 24De mĂŞme que selon Plotin, la vraie vie est une contemplation et qu’il n’y a qu’une diffĂ©rence de degrĂ© entre l’activitĂ© contemplative de l’esprit pur et celle des plantes et des pierres, on pourrait dire avec Proclus que la vie est fondamentalement rituelle, Ă des degrĂ©s divers. 18 Proclus, Sur l’art hiĂ©ratique, p. 134. Car tous les ĂŞtres prient selon le rang qu’ils occupent, ils chantent les chefs qui prĂ©sident Ă leur sĂ©rie tout entière, chacun louant Ă sa manière, spirituelle, rationnelle, physique ou sensible ainsi l’hĂ©liotrope se meut-il autant qu’il lui est facile de se mouvoir, et si l’on pouvait entendre comme il frappe l’air durant qu’il tourne sur sa tige, on se rendrait compte Ă ce bruit qu’il offre une sorte d’hymne au Roi, tel qu’une plante peut le chanter18. 19 Proclus, The Elements of Theology, Ă©d. Dodds, Oxford, Clarendon Press, 1963, p. 38 nous trad ... 20 Il faudrait nuancer cette interprĂ©tation, en relisant par exemple la proposition 39 des ÉlĂ©ments d ... 25Le rituel est le processus par lequel chaque chose se convertit vers le principe divin dont elle procède et fait retour vers lui, comme la fleur hĂ©liotrope se tournant vers le soleil. L’existence est pensĂ©e dans le nĂ©oplatonisme comme un processus dynamique, comme un jeu entre l’origine et le retour. C’est ce qu’énonce la proposition 35 des ÉlĂ©ments de thĂ©ologie Tout ce qui est causĂ© demeure dans sa propre cause, procède d’elle et se convertit vers elle »19. En appliquant le modèle de la manence monè, de la procession proodos et de la conversion epistrophè Ă notre propos, on pourrait dire de façon schĂ©matique que les dĂ©terminations naturelles d’une chose sont ce par quoi elle se sĂ©pare de sa cause divine, la signature qu’elle porte en elle la marque de l’immanence du divin en elle et son activitĂ© rituelle sa façon de faire retour vers son origine divine20. 26Une autre signification de l’activitĂ© rituelle humaine semble se dĂ©gager de ces considĂ©rations. Ce que vise la thĂ©urgie, ce n’est pas un usage magique des propriĂ©tĂ©s des choses mais ce n’est pas non plus une projection sur les choses d’un imaginaire religieux. Pour Ă©chapper Ă cette alternative, le coup de force de Proclus est de dire que l’activitĂ© symbolique est immanente aux choses. Les choses ne sont pas des symboles des dieux elles sont divines par les symboles qui agissent en elles. La vie symbolique ne relève pas de l’anthropologie mais de la mĂ©taphysique. Les pratiques rituelles n’ajoutent pas une dimension symbolique aux choses mais visent au contraire Ă correspondre avec l’activitĂ© rituelle des choses elles-mĂŞmes et Ă l’amplifier. C’est en ce sens qu’on peut dire que les choses se rĂ©alisent pleinement dans la pratique rituelle des hommes, qu’elles touchent plus parfaitement Ă leur divinitĂ©, et que donc les hommes font des dieux ». L’activitĂ© rituelle est productive dans la mesure oĂą elle est une dĂ©miurgie symbolique en elle, les objets connaissent une deuxième genèse, qui n’est plus de l’ordre d’une production substantielle mais d’une reproduction symbolique. Le rituel thĂ©urgique, en actualisant la puissance symbolique des choses, en activant les signatures divines qui logent en leur cĹ“ur, produit les objets en tant que divins en les reproduisant symboliquement. Ce qui est en jeu dans la thĂ©urgie, c’est une réévocation de l’ordre du monde sous l’aspect de sa divinitĂ©. L’efficacitĂ© sans la croyance 27Nous souhaiterions faire le point, pour conclure, sur les difficultĂ©s que prĂ©sente l’adoption d’un tel modèle en vue d’une analyse de la fonction de l’objet rituel, en particulier dans l’interprĂ©tation des pratiques tĂ©lestiques. 28La première difficultĂ© tient au statut du discours nĂ©oplatonicien lui-mĂŞme. Le fait que les mĂŞmes personnes qui ont pratiquĂ© la thĂ©urgie l’aient aussi pensĂ©e pose sans aucun doute un problème Ă©pisÂtĂ©mologique majeur. Comment accepter comme valide une expliÂcation qui est de l’ordre d’une thĂ©ologie, voire d’une apologie? Peut-on prendre au sĂ©rieux les explications d’un phĂ©nomène religieux donnĂ©es par ceux-lĂ mĂŞmes qui y croient? 21 Platon, RĂ©publique, 509b. 29Nous avons essayĂ© de montrer avec le modèle nĂ©oplatonicien que la transformation rituelle de l’objet n’était prĂ©cisĂ©ment pas une question de croyance. L’intuition thĂ©ologique fondamentale du nĂ©oplatonisme, c’est que Dieu est, selon une formule bien connue, au-delĂ de l’être » epekeina tĂŞs ousias21. Cet axiome thĂ©ologique a pour consĂ©quence de situer le rapport au divin au-delĂ de toute apprĂ©hension subjective la divinitĂ© est indicible, inconnaissable, incomprĂ©hensible. C’est pourquoi le rapport rituel au divin ne saurait se rĂ©duire Ă une forme de connaissance ou de croyance. 22 Jamblique, Les mystères d’Égypte, p. 71-72. Et ce n’est pas non plus la pensĂ©e qui unit les thĂ©urges aux dieux. Sinon, qu’est-ce qui empĂŞcherait ceux qui pratiquent la philosophie contemplative d’obtenir l’union thĂ©urgique avec les dieux? En rĂ©alitĂ©, la vĂ©ritĂ© n’est pas ainsi c’est l’accomplissement des actes ineffables mis en Ĺ“uvre au-delĂ de toute intellection comme il convient au divin et la puissance des symboles indicibles pensĂ©s seulement par les dieux, qui Ă©tablissent l’union thĂ©urgique. C’est pourquoi ce n’est pas en utilisant l’intellect que nous accomplissons ces Ĺ“uvres. Car ainsi, leur mise en Ĺ“uvre serait intellectuelle et dĂ©pendrait de nous. Aucune de ces deux propositions n’est vraie. En effet, sans que nous n’utilisions notre intellect, ce sont les symboles eux-mĂŞmes qui accomplissent Ă partir d’eux-mĂŞmes leur Ĺ“uvre propre, et la puissance ineffable des dieux vers lesquels ils remontent reconnaĂ®t par elle-mĂŞme ses propres images, sans ĂŞtre Ă©veillĂ©e par notre intellection22. 23 Sur la notion d’efficacitĂ© symbolique, nous renvoyons Ă l’étude classique de LĂ©vi-Strauss, L’eff ... 30L’intellect est mis hors-circuit dans l’effectuation des rites thĂ©urgiques. Ceux-ci ne nĂ©cessitent aucune composante subjective pour fonctionner ce sont les choses elles-mĂŞmes qui agissent, le divin qui se reconnaĂ®t dans ses symboles. C’est sur la base de cet argument que les derniers nĂ©oplatoniciens ont promu la thĂ©urgie au-delĂ de la contemplation philosophique elle-mĂŞme, faisant une part plus belle Ă la pratique qu’à la thĂ©orie. Autrement dit, il n’y a pas besoin de croire pour que cela marche. Jamblique formule l’une des premières thĂ©ories de ce que l’on appellera plus tard l’efficacitĂ© symbolique23. 31C’est prĂ©cisĂ©ment lĂ qu’apparaĂ®t la seconde difficultĂ©. Pour mettre hors circuit la dimension subjective du rite, on le fait intĂ©gralement passer du cĂ´tĂ© des objets, en considĂ©rant le rituel comme une modalitĂ© de l’existence mĂŞme des choses. N’est-ce pas prĂ©supposer ce que l’on cherche Ă dĂ©montrer? 32Encore une fois, l’idĂ©e de la transcendance absolue du divin interdit toute interprĂ©tation vulgaire des pratiques tĂ©lestiques. Il faut reformuler la question comment une statue peut-elle ĂŞtre divine? de la façon suivante comment ce qui est absolument transcendant peut-il se retrouver dans les choses? C’est Ă ce problème Ă©pineux que la thĂ©orie des signatures apporte une solution gĂ©niale. La signature d’une chose est prĂ©cisĂ©ment ce qui la soustrait Ă ses dĂ©terminations naturelles pour la restituer Ă sa dimension divine. En tant que science des signatures, la thĂ©urgie manifeste la prĂ©sence des dieux sur un mode non pas substantiel mais purement rituel et opĂ©ratif. C’est symboliquement qu’une statue est un dieu ce qui ne signifie pas de façon irrĂ©elle, mais de façon inessentielle. En ce sens, les pratiques thĂ©urgiques ne sont rĂ©solument pas une excroissance pathologique du dernier nĂ©oplatonisme mais tĂ©moignent au contraire de sa cohĂ©rence profonde. 33La plus grande difficultĂ© tient sans doute au changement de paradigme mĂ©taphysique qu’implique l’adoption d’une telle thĂ©orie. Penser l’objet rituel – au sens de cet objet paradoxal qui est autre chose que ce qu’il est – suppose deux choses. D’une part de penser l’objet non pas selon ses dĂ©terminations essentielles ou matĂ©rielles mais selon ses rapports dynamiques. D’autre part de penser la corrĂ©lation entre une activitĂ© rituelle et le type de qualitĂ©s qu’elle confère aux objets qu’elle englobe. Le coup de gĂ©nie de Proclus est de parvenir Ă articuler ces deux perspectives ensemble, en envisageant le rituel comme la vie secrète des choses mĂŞmes. 24 La notion de fĂ©tichisme » a Ă©tĂ© introduite par Charles de Brosses en 1760 dans le cĂ©lèbre essai ... 25 Que ce soit dans l’associationnisme d’idĂ©es chez Tylor et Frazer, dans la mentalitĂ© primitive chez ... 26 Notons, pour nuancer notre affirmation, que le concept de croyance pistis n’est pas absent des t ... 34En appelant fĂ©tichisme » la croyance illusoire des Africains et des primitifs » dans le caractère divin, vivant ou animĂ© de certains objets, la culture occidentale moderne a tentĂ© de contourner un problème qui n’a cessĂ© de la hanter et qu’elle est incapable de rĂ©soudre parce qu’elle s’est privĂ©e des moyens de le poser correctement24. L’idĂ©e qu’un objet puisse ĂŞtre animĂ© ne nous est plus familière et nous ne pouvons que l’envisager comme une croyance superstitieuse. C’est pourquoi l’anthropologie moderne ne peut que se heurter Ă des questions insolubles concernant le rapport de la croyance et de l’efficacitĂ© des rites25. LĂ oĂą toutefois la religion ne relève pas d’une pure expĂ©rience subjective, d’un rapport de l’esprit Ă lui-mĂŞme, mais se dĂ©ploie dans un monde de choses, se fait commerce avec des objets, le concept de croyance n’a Ă peu près aucune valeur heuristique26. 27 J’adresse mes remerciements, pour ses prĂ©cieuses remarques de lecture, Ă M. Constantin Macris Cen ... 35Si l’on fait disparaĂ®tre la difficultĂ©, ce n’est pas en Ă©vitant le problème, mais en levant les obstacles Ă sa bonne formulation plutĂ´t que de chercher Ă comprendre comment un rituel peut transformer un objet en une divinitĂ©, on cherche Ă comprendre ce qu’est un objet pour qu’il puisse cristalliser une relation rituelle au divin. C’est ce qu’ont fait les nĂ©oplatoniciens au moment historique prĂ©cis oĂą leur univers spirituel menaçait de s’effondrer en mĂŞme temps que l’Empire. Nous pensons qu’ils se sont très bien compris eux-mĂŞmes, mieux sans doute que nous ne les comprenons. Ils ne croyaient pas que les statues Ă©taient des dieux, au contraire, ils savaient très bien que les dieux Ă©taient très loin, mais ils savaient aussi comment les faire revenir avec un peu d’herbe et un peu de pierre27. Haut de page Notes 1 Sur la tĂ©lestique dans le nĂ©oplatonisme, voir Joseph Bidez, Note sur les mystères nĂ©oplatoniciens », Revue belge de philologie et d’histoire, VII, 1928, p. 1477-1481 ; Eric Robertson Dodds, Theurgy and its relationship to Neoplatonism », The Journal of Roman Studies, XXXVII, 1947, p. 57-69 repris dans The Greeks and the Irrational, Berkeley, University of California Press, 1951 ; Pierre BoyancĂ©, ThĂ©urgie et tĂ©lestique nĂ©oplatoniciennes », Revue de l’histoire des religions, t. 147 n° 2, 1955, p. 189-209 ; Jean Bouffartigue, Les statues divines du paganisme objets artificiels ou surnaturels ? », Objets sacrĂ©s, objets magiques de l’AntiquitĂ© au Moyen-âge, Ă©d. Charles Delattre, Themam, CNRS, 2007, p. 53-64; Sarah Iles Johnston, Animating Statues A Case Study in Ritual », Arethusa, 2008, p. 445-478; Jan N. Bremmer, The Agency of Greek and Roman Statues from Homer to Constantine », Opuscula, Annual of the Swedish Institutes at Athens and Rome, 6, 2013, p. 7-21. 2 AsclĂ©pius, 37-38, Corpus Hermeticum, t. II, Ă©d. Nock, trad. AndrĂ©-Jean Festugière, Paris, Les Belles Lettres, 1946, p. 347-349. 3 Sur cette cĂ©lèbre formule, voir Sarah Iles Johnston, Homo fictor deorum est Envisionning the Divine in Late Antique Divinatory Spells », in J. Bremmer and A. Erskine eds., The Gods of Ancient Greece, Edinburgh University Press, 2010, p. 406-21. 4 Minucius Felix, Octavius, XXIV, 8, Ă©d. et trad. Jean Beaujeu, Paris, Les Belles Lettres, 1964, p. 38-39. 5 Pour une prĂ©sentation gĂ©nĂ©rale de la thĂ©urgie, la rĂ©fĂ©rence reste l’ouvrage classique de Hans Lewy, Chaldean Oracles and Theurgy, Mysticism, Magic and Platonism in the Later Roman Empire, nouvelle Ă©d. Michel Tardieu, Paris, Brepols, Études Augustiniennes, 77 », 1978 ; au sujet de la thĂ©urgie dans les milieux nĂ©oplatoniciens, voir l’étude de Carine Van Liefferinge, La ThĂ©urgie, des Oracles ChaldaĂŻques Ă Proclus, Liège, Centre International d’Étude de la Religion Grecque Antique, Kernos, Suppl. 9 », 1999. Pour une tentative de relativisation des sources nĂ©oplatoniciennes, voir Ilinca Tanaseanu, Theurgy in Late Antiquity The Invention of a Ritual Tradition, Göttingen Vandenhoech & Ruprecht, 2013. 6 Plotin, ÉnnĂ©ades, IV, 3 [27], 11 DifficultĂ©s relatives Ă l’âme I », trad. Émile BrĂ©hier, Paris, Les Belles Lettres, 1927, p 78. 7 Jamblique, Les mystères d’Égypte, RĂ©ponse d’Abamon Ă la Lettre de Porphyre Ă AnĂ©bon, trad. Michèle Broze et Carine Van Liefferinge, Bruxelles, Ousia, 2009, p. 136-137. Nous ne pouvons que signaler la nouvelle Ă©dition et traduction du texte, parue entre-temps, aux Ă©ditions de Belles Lettres, RĂ©ponse Ă Porphyre, Ă©d. et trad. Saffrey et Segonds, avec la collaboration de A. Lecerf, Paris, Les Belles Lettres, 2013. 8 Pour une Ă©tude dĂ©taillĂ©e de la place de la thĂ©urgie dans la philosophie de Jamblique, voir Gregory Shaw, Theurgy and the Soul the neoplatonism of Iamblichus, University Park, Pennsylvania State University Press, 1995. 9 Proclus, Sur l’art hiĂ©ratique, trad. Festugière, in La rĂ©vĂ©lation d’Hermès TrismĂ©giste, vol. 1, Paris, Les Belles Lettres, 2006 1944, p. 134. 10 Fr. A 22 D-K, voir Aristote, De l’âme, I, 5, 411a 5-10. 11 Ibid., p. 135. 12 Proclus, ThĂ©ologie platonicienne, II, 8, Ă©d. et trad. Henri-Dominique Saffrey et Leendert Gerrit Westerink, Paris, Les Belles Lettres, 1974, p. 56. 13 Traditionnellement la thĂ©orie des signatures se situe au croisement de la botanique, de la mĂ©decine, de l’alchimie et de la magie, et procède de l’idĂ©e que la ressemblance ou la similitude entre les choses permet leur action les unes sur les autres, en particulier en ce qui concerne le rapport entre la morphologie des plantes et leurs vertus curatives. Voir D. Ball-Simon et P. Daszkiewicz, L’hĂ©ritage oubliĂ© des signes de la nature, La loi des signatures, Paris, Les deux ocĂ©ans, 1999. La tradition mĂ©dicale qui va de ThĂ©ophraste Ă Paracelse donne lieu, chez Jacob Boehme, Ă une thĂ©orie gĂ©nĂ©rale de la crĂ©ation, cf. De la signature des choses, trad. P. Deghaye, Paris, Grasset, 1995. Concernant le mode de signification particulier de la signature, en rapport avec les notions de ressemblance et d’efficacitĂ©, voir Michel Foucault, Les mots et les choses, ch. II, II Les signatures », Paris, Éditions Gallimard, 1966, p. 40-45 et Giorgio Agamben, ThĂ©orie des signatures », Signatura rerum. Sur la mĂ©thode, trad. JoĂ«l Gayraud, Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 2008, p. 37-91. Nous traduisons sunthèma par signature » en raison de la proximitĂ© entre la doctrine nĂ©oplatonicienne de la thĂ©urgie et la thĂ©orie mĂ©dicale et magique des signatures, dans lesquelles les signes visibles du monde renvoient aux puissances invisibles avec lesquelles ils permettent d’opĂ©rer, comme de vĂ©ritables mots de passe » instituĂ©s par les dieux. 14 Proclus, Sur l’art hiĂ©ratique, p. 135. 15 C’est, nous semble-t-il, la signification profonde de la thĂ©orie proclienne des hĂ©nades. Leur fonction ne se limite pas Ă combler l’écart entre l’un et l’être, mais donne Ă penser une causalitĂ© qui n’est pas celle des formes intelligibles. Bien que Proclus ne soit jamais tout Ă fait explicite Ă ce propos, il y a une diffĂ©rence fondamentale entre l’hĂ©nadologie et l’ontologie, dont les commentateurs n’ont pas suffisamment rendu compte. Ă€ ce sujet on se reportera aux remarques de Radek Chlup, Proclus. An introduction, Cambridge, Cambridge University Press, 2012, en particulier p. 112-136, ainsi qu’à la thèse de Edward P. Butler, The Metaphysics of Polytheism in Proclus, New School University, avril 2003. 16 Proclus, Sur l’art hiĂ©ratique, p. 134-135. 17 Plotin, ÉnnĂ©ades, III, 8 [30], 8 De la nature, de la contemplation et de l’Un », trad. É. BrĂ©hier, Paris, Les Belles Lettres, 1999, p. 277-279. 18 Proclus, Sur l’art hiĂ©ratique, p. 134. 19 Proclus, The Elements of Theology, Ă©d. Dodds, Oxford, Clarendon Press, 1963, p. 38 nous traduisons. 20 Il faudrait nuancer cette interprĂ©tation, en relisant par exemple la proposition 39 des ÉlĂ©ments de thĂ©ologie, dans laquelle il apparaĂ®t clairement que la conversion peut s’effectuer selon l’être, la vie ou la connaissance, c’est-Ă -dire selon la nature propre des diffĂ©rentes classes d’êtres. La question est au fond de savoir si l’hĂ©nadologie ne permettrait pas, dans une certaine mesure, de court-circuiter l’ontologie et de mettre en Ă©vidence un lĂ©ger dĂ©calage entre les diffĂ©rentes causalitĂ©s Ă l’œuvre dans la procession et la conversion des ĂŞtres. 21 Platon, RĂ©publique, 509b. 22 Jamblique, Les mystères d’Égypte, p. 71-72. 23 Sur la notion d’efficacitĂ© symbolique, nous renvoyons Ă l’étude classique de LĂ©vi-Strauss, L’efficacitĂ© symbolique », in Anthropologie structurale, Paris, Plon, 1958, p. 213-234 initialement paru dans la Revue de l’histoire des religions, t. 135, n° 1, 1949, p. 5-27, qui souligne la dimension inconsciente » de l’efficacitĂ© rituelle et rapproche par ce biais l’activitĂ© chamanique de la pratique psychanalytique. 24 La notion de fĂ©tichisme » a Ă©tĂ© introduite par Charles de Brosses en 1760 dans le cĂ©lèbre essai Du culte des dieux fĂ©tiches et elle a connu une immense fortune dans les sciences humaines jusqu’à aujourd’hui. Sur l’histoire de la notion, on lira William Pietz, Le fĂ©tiche gĂ©nĂ©alogie d’un problème, trad. Aude Pivin, Paris, Kargo & l’Éclat, 2005. 25 Que ce soit dans l’associationnisme d’idĂ©es chez Tylor et Frazer, dans la mentalitĂ© primitive chez LĂ©vy-Bruhl, dans le fait social chez Durkheim ou Mauss, dans la fonction symbolique chez LĂ©vi-Strauss, la question de l’efficacitĂ© nous semble toujours ĂŞtre rĂ©duite Ă celle de la croyance, plus ou moins consciente, en cette efficacitĂ©, c’est-Ă -dire rapportĂ©e Ă une dimension strictement humaine, qu’elle soit psychologique, sociale ou structurale. 26 Notons, pour nuancer notre affirmation, que le concept de croyance pistis n’est pas absent des thĂ©ologies chaldaĂŻques et des thĂ©ories nĂ©oplatoniciennes. Il convient toutefois de prĂ©ciser les choses en soulignant d’une part, que la pistis ne correspond pas Ă notre idĂ©e moderne de croyance, mais consiste en une puissance divine plus qu’en une disposition subjective, et d’autre part, que les nĂ©oplatoniciens eux-mĂŞmes opposent une idĂ©e supra-rationnelle de la foi comme union et contact avec le divin Ă la simple croyance comme forme infĂ©rieure, voire irrationnelle, de connaissance. Quand Proclus lie explicitement la pistis Ă la puissance thĂ©urgique, ce n’est pas tant pour rapporter l’efficacitĂ© rituelle Ă une facultĂ© subjective que pour signaler son caractère supra-rationnel et transcendant voir ThĂ©ologie platonicienne, I, 25, Ă©d. et trad. Henri-Dominique Saffrey et Leendert Gerrit Westerink, Paris, Les Belles Lettres, 1968, p. 109-113. Sur l’élaboration de la notion de croyance dans le nĂ©oplatonisme, voir Philippe Hoffmann, La triade chaldaĂŻque Ă©rĂ´s, alètheia, pistis de Proclus Ă Simplicius », in Segonds – C. Steel Ă©d., Proclus et la ThĂ©ologie platonicienne. Actes du Colloque International de Louvain 13-16 mai 1998 en l’honneur de Saffrey et Westerink†, Leuven-Paris, 2000, p. 459-489 ; Id., ErĂ´s, Alètheia, Pistis… et Elpis tĂ©trade chaldaĂŻque, triade nĂ©oplatonicienne fr. 46 des Places, p. 26 Kroll », in H. Seng – M. Tardieu ed., Die Chaldaeischen Orakel Kontext – Interpretation – Rezeption, Heidelberg 2010, p. 255-324. 27 J’adresse mes remerciements, pour ses prĂ©cieuses remarques de lecture, Ă M. Constantin Macris Centre national de la recherche scientifique/Laboratoire d’études sur les MonothĂ©ismes – Centre d’études des religions du Livre.Haut de page Pour citer cet article RĂ©fĂ©rence papier Ghislain Casas, Les statues vivent aussi. ThĂ©orie nĂ©oplatonicienne de l’objet rituel », Revue de l’histoire des religions, 4 2014, 663-679. RĂ©fĂ©rence Ă©lectronique Ghislain Casas, Les statues vivent aussi. ThĂ©orie nĂ©oplatonicienne de l’objet rituel », Revue de l’histoire des religions [En ligne], 4 2014, mis en ligne le 01 dĂ©cembre 2017, consultĂ© le 21 aoĂ»t 2022. URL ; DOI Haut de page Auteur Ghislain Casas Groupe d’Anthropologie Scolastique GAS, ParisLaboratoire d’étude sur les MonothĂ©ismes LEM, de page
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